Actualité Les jeunes et le Covid-19 | 2/2

Les jeunes et le COVID 19 : quel impact sur leur mental ?

Comment les jeunes de l’UE, contraints de naviguer entre les établissements scolaires fermés, les cours dématérialisés, les examens reportés, les stages dénaturés et les jobs supprimés, vivent-ils réellement cette crise inédite ?

Publié le 28 décembre 2020 à 14:33

Depuis maintenant près d’un an, la majeure partie des pays européens est plongée dans le brouillard de la pandémie. Dubitatifs et circonspects, les gouvernements nationaux n’ont eu de cesse de modifier leurs feuilles de route pour espérer garder la tête de leur économie et de leurs citoyens hors de l’eau. Parmi les discours qui ont accompagné ces éventails de réglementations indéfiniment remodelés, celui qui a trouvé en la jeunesse le coupable idéal est parvenu à se frayer un chemin dans l’ensemble des sociétés européennes. Comment les jeunes de l’UE, contraints de naviguer entre les établissements scolaires fermés, les cours dématérialisés, les examens reportés, les stages dénaturés et les jobs supprimés, vivent-ils réellement cette crise inédite ?

En France, des étudiants en détresse 

D’après une enquête de l’Observatoire national de la vie étudiante menée auprès de plus de 45 000 étudiants, 31% des individus interrogés ont présenté des signes de détresse psychologique au cours de la première période de confinement qui s’est tenue en France du 10 mars au 11 mai 2020. Parmi les sondés, 11,7% ont déclaré avoir eu des idées suicidaires contre 7,6% pour le reste de la population. 

Nous avons discuté de ces chiffres avec Florian Tirana, président de Nightline France, l’association qui a ouvert en 2017 une ligne d’écoute destinée aux étudiants gérée par des écoutants bénévoles eux-mêmes étudiants. D’après les précisions apportées par Florian Tirana, l’annonce des deux confinements a entraîné une hausse importante des appels reçus par les équipes de Nightline. “Nous sommes rapidement arrivés à saturation quant au nombre d’appels que nous étions en mesure de prendre en charge”, a confié le président de l’association.

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Parmi les thèmes les plus fréquemment abordés lors de ces confessions estudiantines, la solitude, les problèmes relationnels et les craintes liées à l’avenir professionnel arrivent en tête de liste. Des questionnements propres à la génération COVID ? Pas vraiment, rectifie Florian Tirana. “La détresse psychologique des étudiants a toujours existé. Si l’on se réfère aux chiffres d’il y a 20 ou 30 ans, 1/3 des étudiants faisaient déjà l’expérience d’une détresse psychologique”. 

Comment se dessinera l’avenir au sortir de mes études ? Comment vais-je parvenir à trouver un stage ?”

Si les étudiants français semblent avoir toujours été en proie à des angoisses notables, celles-ci ont été renforcées par l’expérience du confinement. “Lorsque, à l’âge adulte, on se retrouve enfermé des semaines durant avec ses parents entre les quatre murs d’un appartement, les frictions ne sont jamais loin”, rappelle Florian Tirana. 

Parmi les motifs d’appels les plus courants, les inquiétudes liées au futur apparaissent en deuxième place. “Comment se dessinera l’avenir au sortir de mes études ? Comment vais-je parvenir à trouver un stage ?” sont autant de préoccupations qui reviennent à un rythme élevé sur la ligne d’écoute de Nightline France. Pour répondre à ce contexte anxiogène généré par la pandémie, l’association a lancé dernièrement une plateforme qui recense l’ensemble des services accessibles aux étudiants en détresse. 

En Allemagne, des stagiaires précaires

Âgée de 24 ans, Marion effectue actuellement son troisième semestre de formation en commerce international à Berlin. Objectif de ce cursus que les étudiants choisissent pour la place prépondérante qu’y occupent les langues étrangères ? Être en mesure, une fois le diplôme en poche, de se mouvoir avec aisance dans l’univers des affaires internationales. Noyau central de cette formation axée sur la mobilité, les compétences linguistiques acquises au fil des semestres se consolident habituellement lors d’un stage de trois mois accompli à l’étranger. 

La crise sanitaire a cependant obligé de nombreux établissements à revoir leurs ambitions internationales à la baisse. Si Marion et ses camarades sont, pour la plupart, parvenus à trouver le stage nécessaire à l’obtention future de leur diplôme, la plupart des structures qui les accueillent ne parviennent aucunement à répondre aux besoins de ces futurs spécialistes des échanges commerciaux. Dimension internationale absente, missions sans lien avec les matières étudiées, tâches principalement accomplies en télétravail : ces stages, censés acclimater les jeunes aux univers qu’ils convoitent, ne remplissent pas leurs objectifs. 

En Autriche et en Italie, une émulation en berne

Peter (22 ans) et Heidi (19 ans) étudient la composition musicale à la KUG, l’Université de musique et des arts de la scène de Graz. Depuis début novembre, l’établissement a fermé ses portes et basculé l’ensemble de ses enseignements en distanciel. Pour Peter, qui y accomplit actuellement son cinquième semestre, le passage au 100% numérique a constitué un “changement violent”.

Parmi les défis majeurs engendrés par le distanciel, Peter cite la difficulté à rester concentré. “Après deux heures de séminaire en ligne, ma concentration commence déjà à faiblir”. Un sentiment partagé par la néo-bachelière Heidi, qui, en dépit de la discipline qu’elle parvient à s’imposer chaque matin, confesse une aptitude à la concentration de plus en plus défaillante. 

Tous deux avouent se sentir traversés par de nombreux doutes. “Un diplôme obtenu par le biais d’examens passés sur Zoom aura-t-il la même valeur qu’un diplôme classique ?”, s’inquiète Peter. “Est-ce que le distanciel me permet de profiter pleinement de cette formation riche et exigeante que je découvre à peine ?”  s’interroge Heidi. 

Autre élément déficitaire évoqué par ces étudiants d’une filière artistique : l’émulation. “Nous sommes dans un domaine qui requiert une grande créativité et l’inspiration se nourrit des échanges entre étudiants”, affirme Peter. Cette frustration a également été mentionnée par Marcella (25 ans), étudiante en architecture à l’Université de Naples fermée depuis mars dernier. Privés de l’accès aux salles de travail et aux bibliothèques de l’université, les étudiants peinent à réaliser les projets de groupe qui comptent pour une bonne partie de la note finale et constituent le temps fort de tout cursus en architecture. 

👉 Lire le premier article de la série : Les jeunes européens et le COVID-19: responsables ou victimes ?

En association avec la Fondation Heinrich Böll – Paris


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