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L’impact de la pollution chimique est trop important pour être ignoré

La pollution est responsable d'un décès sur six à travers le monde. Ces chiffres sonnent une nouvelle fois l’alarme pour une plus grande attention portée à l'environnement.

Publié le 24 mai 2022 à 18:47

Chaque année, la pollution emporte prématurément 9 millions de vies, l'équivalent de la population de Londres, selon une étude publiée le 18 mai par la revue Lancet Planetary Health et conduite sous les auspices de l'Alliance mondiale sur la santé et la pollution (GAHP). La pollution est responsable d'un décès sur six à travers le monde. Ces chiffres sonnent une nouvelle fois l’alarme pour une plus grande attention portée à l'environnement.

Depuis la publication d'un premier rapport en 2017, l'impact de la pollution reste inchangé. Le nombre de décès attribués à la pollution dépasse celui de la guerre, du terrorisme, du paludisme, du VIH, de la tuberculose, de la drogue et de l'alcool réunis. Les auteurs estiment également le cout économique lié à la pollution à 4,6 billions de dollars (9 millions de dollars par minute).

Cette nouvelle étude révèle que les principales sources de pollution ont évolué. Depuis 2000, l’amélioration de l'approvisionnement en eau potable, de l'assainissement, de l’accès aux antibiotiques et aux traitements ont permis une diminution du nombre de décès et des maladies imputables à la pollution associée à l'extrême pauvreté. Cependant, "ces progrès sont complètement érodées par une forte augmentation des formes plus modernes de pollution induites par la croissance économique, l'industrialisation et l'urbanisation" déplore Joe Shaw de l'Université d'Indiana, expert de la pollution chimique, co-auteur du rapport et également chercheur au sein du projet PrecisionTox financé par l'UE.

Les décès dus à la pollution de l’atmosphère et à la pollution chimique toxique ont augmenté de 7 % depuis la précédente étude, et de 66 % depuis 2000. Sur les 9 millions de décès prématurés dus à la pollution chaque année, 75 % sont liés à la pollution de l'air ; les produits chimiques toxiques à eux seuls sont responsables de 1,8 million, la moitié imputable à l’exposition au plomb.

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Le rapport met également en évidence une injustice mondiale en matière de santé et d'environnement : 90 % des décès liés à la pollution surviennent dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI). Ces évolutions sont à mettre au compte de la combustion d’énergies fossiles, de l'industrialisation, d’une urbanisation incontrôlée, de la croissance démographique et de l'absence ou de l'inadéquation des politiques de gestion des substances chimiques.

Ce n'est cependant que la pointe émergée de l'iceberg. "L’impact global des effets de la pollution sur la santé serait sans aucun doute plus important si des données sanitaires plus complètes pouvaient être générées, en particulier si tous les modes d’actions des produits chimiques dans l'environnement pouvaient être identifiées et analysées", indique le rapport. La production mondiale de produits chimiques devrait doubler d'ici 2030, et environ deux tiers de la production chimique actuelle sont localisés dans les PRFI. Seule une fraction de ces produits chimiques a été réellement testée pour leur nocivité, ce qui signifie que les données du rapport sous-estiment l'impact de la pollution chimique.


Les preuves s’accumulent démontrant que les polluants peuvent traverser les frontières, cependant la pollution est principalement traitée comme un problème local


Richard Fuller, à la tête de Pure Earth qui a dirigé le rapport, explique "de nombreus substances chimiques sont exclues de cette analyse, en raison de l’absence de données nécessaires pour évaluer leur impact à l’échelle mondiale, c’est le cas du mercure, des PFAS, de l'amiante, des pesticides ou des perturbateurs endocriniens. Nombreux experts pensent que si nous pouvions estimer l’impact réel de la pollution chimique, celle-ci serait davantage de l’ordre de 4 millions de décès au lieu de 1,8 million chaque année."

Rachael Kupka, directrice exécutive du GAHP, ajoute : "Une préoccupation majeure est que beaucoup de ces produits chimiques sont toxiques pour le cerveau, le système immunitaire, la fertilité ou pendant la grossesse, et avec des implications permanentes pour les personnes exposées. Les enfants sont particulièrement vulnérables". Par exemple, la pollution atmosphérique a été associée à une mortalité supérieure du COVID-19 ou de la grippe, tandis que l'exposition au plomb est corrélée à une perte de QI, des taux d'échec scolaire plus élevés, une diminution de la productivité économique, une déficience intellectuelle et même à une augmentation de la violence.

Malgré ces chiffres dramatiques et le lien évident entre pollution, changement climatique et perte de la biodiversité, peu a été fait pour répondre à ce problème majeur de santé publique à l‘échelle internationale. Les preuves s’accumulent démontrant que les polluants peuvent traverser les frontières (par le vent, l'eau, la chaîne alimentaire ou encore les produits de consommation), cependant la pollution est principalement traitée comme un problème local.

L'un des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés est de collecter des données nécessaires sur les substances toxiques pour accroître la capacité des Etats, des scientifiques et des évaluateurs des risques, en particulier dans les PRFI, afin de surveiller, contrôler et traiter la pollution. Joe Shaw déclare : "Les approches de toxicologie de précision que nous développons dans le cadre du projet PrecisionTox, financé par l'UE, aideront à prévenir les décès et les maladies que provoquent la pollution moderne en améliorant les méthodes d'identification et de cartographie des produits chimiques toxiques dans l'environnement".

La plupart des méthodes actuellement utilisées pour détecter la nocivité des substances ne permettent pas de répondre au degré d’exigence et à l’échelle requis pour faire face à cet enjeu de taille majeur. PrecisionTox rassemble des chercheurs de 15 organisations en Europe et aux États-Unis pour développer une nouvelle génération de méthodes de test qui amélioreront la capacité à identifier les dangers causés par les produits chimiques.


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