L’impôt européen : un vœu pieux

La proposition de la Commission d’instituer un impôt européen pour financer le budget de l’Union a tout pour plaire, surtout aux yeux des pays contributeurs nets. Mais, estime De Volkskrant, elle se heurte à l’hostilité des États membres vis-à-vis du transfert de compétences dans un domaine aussi délicat que la fiscalité.

Publié le 11 août 2010 à 12:27

Sommes-nous bien prêts, nous, les Européens, à verser un impôt direct à Bruxelles, dix ans après l’introduction de la monnaie unique ? Le Commissaire européen au Budget, Janusz Lewandowki, estime qu’il est temps de faire ce nouveau pas vers un Etat fédéral européen. Dans le Financial Times Deutschland il a lancé un ballon d’essai, mais sa proposition n’a aucune chance d’aboutir.

L’appât qu'utilise Lewandowski pour que les Etats membres de l’UE choisissent son camp a toutefois l’air appétissant : en échange d’une taxe sur les transactions financières ou les vols commerciaux, la contribution des pays de l’UE à Bruxelles serait réduite. Pour des pays comme l’Allemagne et les Pays-Bas, c’est une idée qui ne peut que plaire. Depuis des années, leur situation de payeurs nets est une cause permanente de tension. S'y ajoute la rigueur budgétaire à laquelle ils sont tenus par le pacte de stabilité. Une contribution moins importante à l’UE leur conviendrait donc tout à fait.

Stratégie de survie

Mais les inconvénients sont bien plus grands. Pour les Etats membres, un impôt direct perçu par Bruxelles se fera au détriment de leurs propres compétences dans ce domaine : la pression fiscale sur les citoyens a tout simplement ses limites, même si elles sont floues. Par ailleurs, la levée de l’impôt représente une prérogative des gouvernements nationaux, qu'ils ne souhaitent pas partager. "Si on donne un doigt à Bruxelles, elle va demander le bras", doit-on sans doute déjà se dire au Royaume-Uni, où la peur du Super-Etat européen est inculquée dès l’enfance. D’autres pays européens se sont d’ailleurs rapprochés des Britanniques en ce sens. Aux Pays-Bas et en France, le rejet de la Constitution européenne en 2005 a bouleversé la façon de penser l’Europe. Les propositions du commissaire Lewandowski passent complètement à côté de cet euroscepticisme accru.

Elles ne sont pas tant le fruit de la bulle bureaucratique dans laquelle se trouve Bruxelles, comme les eurosceptiques ont tendance à croire, mais plutôt d’une stratégie de survie : la Commission anticipe en effet les négociations budgétaires pour la période 2014-2021, qui risquent d’être encore plus difficiles que d’habitude en raison des problèmes financiers des pays membres. Voilà pourquoi une source alternative de revenus pourrait constituer une solution. Si ce n’est qu’elle se heurtera à une résistance accrue des Etats membres opposés à "plus d’Europe".

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Vu d'Allemagne

Vers un budget de l'UE plus transparent

L'idée d'un impôt de plus ne réjouira certainement pas le contribuable, note la Süddeutsche Zeitung. Toujours est-il que "l'impôt européen ne représentera pas une charge supplémentaire", ajoute le quotidien, en rappelant qu'en 2010, chaque allemand contribue, indirectement, à hauteur de 260 euros au budget de l'Union. En revanche, il pourrait initier la tant attendue la réforme de ce dernier, qui donne lieu chaque année à des "magouilles entre les Etats membres". "Si les citoyens payaient directement pour l'Europe, ils seraint peut-être davantage attentifs à l'endroit où va leur argent. Et ils s'interrogeraient sur les motifs pour lesquels, au XXIe siècle, la plus grande partie du budget de l'UE est encore consacrée au secteur qui dominait l'économie au XVIIIe siècle, l'agriculture".

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