Après le référendum en Grèce

“L’odyssée n’est pas terminée”

La nette victoire du “non” ("OXI" en grec) au référendum de dimanche indique clairement que les Grecs ne veulent plus de l’austérité prônée par les bailleurs internationaux et les partenaires de la zone euro. Si elle salue globalement ce sursaut démocratique, la presse européenne estime qu’un accord sur un nouveau plan d’aide est indispensable.

Publié le 6 juillet 2015 à 10:43

Dans un éditorial intitulé “l’odyssée n’est pas terminée”, le responsable des pages économie du Guardian Larry Elliott lance un avertissement aux dirigeants de la zone euro décidés à imposer l’austérité à la Grèce malgré le “non” de dimanche. “En deux mots”, affirme Elliott, “ils devraient essayer avec un peu moins de bâton et un peu plus de carotte*”, en allégeant la dette. Même si les dirigeants parviennent à un accord, la crise a des implications inquiétantes sur le long terme :

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La Grèce a mis en évidence les faiblesses structurelles de l’euro, une approche uniforme qui ne convient pas à des pays si différents. Une solution pourrait être de créer une union fiscale à côté de l’union monétaire. […] Mais cela demanderait précisément le type de solidarité qui s’est fait remarquer par son absence ces dernières semaines. Le projet européen est à l’arrêt.

Le message des Grecs est clair, écrit Bart Sturtewagen, rédacteur en chef de De Standaard. Au terme d’une semaine de banques (presqu’entièrement) fermées et de dégâts considérables que cela a causé aux affaires et à l’économie, “une large majorité inattendue a choisi quand même de prendre le risque de dire non au plan d’aides de l’Union européenne et du FMI”. Même si le prix à payer sera incroyablement élevé et que les conséquences en seront un terrible coup porté à l’eurozone et à l’Union européenne dans son ensemble, Sturtewagen ajoute :

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La tentation de ne plus soutenir les Grecs est parfaitement compréhensible. Mais il est de la plus haute importance que nous gardions la tête froide. C’est la dialectique du crime et de la punition qui nous a amené à cette situation désastreuse. Une approche qui a montré son inutilité encore et encore. La question d’une renégociation de la dette ne peut plus être évitée. Même le FMI le sait. Si Tsipras veut vraiment faire quelque chose de sa victoire, il doit apporter la preuve que son pays ne veut pas seulement recevoir de l’argent, mais aussi se changer lui-même et changer son gouvernement. Voter non était provocateur, mais c’était malheureusement aussi la partie la plus facile.

Athènes est au bord du Grexit après un référendum où les Grecs ont rejeté les termes du plan d’aides, mais “il y a encore une lueur d’espoir que l’on ne revienne pas à la drachme”, écrit Tomasz Bielecki dans Gazeta Wyborcza. L’éditorialiste insiste sur le fait que c’est à présent à Paris et Berlin de décider de la suite :

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Une nouvelle aide pour la Grèce devra être acceptée par les 18 pays membres de la zone euro et l’Allemagne n’est pas le plus dur d’entre eux. Quoi qu’il en soit, si la chancelière Angela Merkel devait faire un geste envers les Grecs, elle devrait calmer la colère des Néerlandais, des Espagnols ou des Lituaniens, qui sont las de l’entêtement dont font preuve les Grecs. Il n’est pas sûr qu’elle y parviendra, car le niveau des émotions est élevé des deux côtés et la situation pourrait rapidement échapper à tout contrôle.

L’UE doit atténuer les dégâts causés par le gouvernement Tsipras", écrit Stefan Ulrich. L’UE devra, selon lui, accorder une aide d’urgence; pour tout nouveau grand programme d’aides, la Grèce devra proposer des réformes ou “l’euro pourra très bien se passer d’eux.” Il qualifie le résultat du référendum comme un “non au compromis” :

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Les grecs ne sont qu’un peuple au sein de la zone euro. Ils peuvent décider de manière souveraine de leur destin. Mais ils ne peuvent rien dicter aux autres peuples et à leurs gouvernements. Et surtout ils ne peuvent pas imposer aux autres pays de l’euro de recevoir d’eux des milliards d’euros sans conditions.

Vu le résultat du référendum, Peter Schutz dans SME est sceptique quant à la possibilité d’un accord sur la crise grecque et prédit un avenir tragique pour le pays. Le 5 juillet entrera dans l’histoire au même titre que le 11 septembre ou Lehman Brothers. Le refus des Grecs du programme prévu par les créanciers est le départ d’une nouvelle histoire de la Grèce, de l’eurozone et même de l’Union européenne, avance Peter Schuster, l’éditorialiste du quotidien libéral. Selon lui, la Grèce pourrait finir par quitter l’euro, alors que le gouffre entre ce pays, la France et l’Allemagne empêchera toute possibilité de cohabitation future.

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Les Grecs auront un avant-goût d’Armaguedon ou d’une catastrophe très similaire alors que le système financier pourrait s’effondrer aujourd’hui et que demain l’importation de biens de base comme les médicaments pourraît s’arrêter [...]. De plus, on peut s’attendre à une vague de faillites avec des licenciements massifs.

Pour le quotidien espagnol, la victoire du “non” hier en Grèce représente “un sérieux défi pour le projet européen" et le moment exige "une réponse à la fois habile et ferme" :

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L'Europe est confrontée à un moment décisif. Chaque pas est désormais risqué et délicat. Mais il est important de ne pas laisser l'avenir entre les mains d'un groupe de démagogues à Athènes et beaucoup d'autres, à gauche comme à droite, dans plusieurs pays du continent qui voudront les rejoindre dans les prochains jours. Le résultat du référendum exige de tous, du gouvernement d'Alexis Tsipras et de la zone euro, de l’habilité, de la sagesse et d’être à la hauteur afin que la politique aille au-delà des automatismes et permette d’eviter l'effondrement soudain de l'économie grecque.[...] L’imbroglio est énorme, à la fois économique et démocratique. Il faut composer avec la volonté des Grecs avec celle des autres Européens qui ont l'inconvénient de ne pas avoir tenu un référendum, mais qui sont représentés par des gouvernements tout aussi légitimes.

Jean-Christophe Ploquin explique que le “non” au référendum ne tire pas d’affaire le pays. En effet, “après le détour par les urnes, les Grecs doivent d’urgence trouver les moyens d’éviter la faillite de leurs banques et de leur État.” De plus,

Après avoir sollicité ses électeurs, la Grèce va de nouveau se confronter à une autre réalité démocratique : la légitimité des gouvernements des dix-huit autres pays de la zone euro, où les opinions et les parlements s’impatientent et s’inquiètent. […] [Tous les dirigeants européens] se défient dorénavant d’un Premier ministre doué pour l’esquive et dont ils ne savent pas jusqu’où va sa contestation du système libéral en vigueur. Alexis Tsipras pense-t-il que la Grèce peut s’en sortir seule ? Est-il attaché à la cohésion européenne, malgré les vicissitudes ?

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