Un garçon palestinien dans une école près de Netzarim (bande de Gaza) frappée par l'armée israélienne. (AFP)

L’UE doit repenser son aide à l’Autorité palestinienne

Après le voyage de Catherine Ashton en Israël et Palestine, les ministres européens des affaires étrangères se réunissent le 22 mars à Bruxelles pour définir la politique à mener au Moyen-Orient. Pour l’universitaire Richard Youngs, les Européens devraient avant tout revoir la façon dont ils aident l’Autorité palestinienne.

Publié le 22 mars 2010 à 14:38
Un garçon palestinien dans une école près de Netzarim (bande de Gaza) frappée par l'armée israélienne. (AFP)

La baronne Ashton, responsable de la politique étrangère de l'Union, a soulevé quelques vagues en se rendant en Israël et dans la bande de Gaza [du 17 au 19 mars]. Elle devrait saisir cette occasion pour réajuster l'approche de l'UE - jusque-là défaillante - du processus de paix au Moyen-Orient. Dans le cas contraire, sa visite n'aura strictement servi à rien. Il a beaucoup été débattu du manque d'influence de l'UE sur Israël.

L'année dernière, l'Union européenne a gelé ses négociations sur un accord d'association renforcé avec l'État hébreu et a fait évoluer sa position dans un sens pro-palestinien sur plusieurs dossiers, dont le statut de Jérusalem. Mais le refus des Israéliens d'interrompre l'implantation de nouvelles colonies laisse supposer que de telles mesures ont un impact limité [début mars, Israël donnait le feu vert à la construction de nouveaux logements dans une implantation de Cisjordanie].

La manière dont l'UE alloue ses fonds accentue la désunion palestinienne

La déclaration du ministre espagnol des affaires étrangères, Miguel Angel Moratinos, selon laquelle la présidence espagnole de l'UE va orienter résolument le processus de paix vers un règlement définitif ressemble fort à un effet d'annonce. Là où l'influence européenne compte réellement, c'est dans l'appui à la mise en place des institutions palestiniennes. L'UE a longtemps été le premier bailleur de fonds des territoires occupés, injectant des milliards d'euros pour contribuer à faire émerger les institutions du proto-État palestinien. Malheureusement, la manière dont ces fonds ont été alloués n'a fait qu'accentuer la désunion palestinienne.

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Paradoxalement, depuis l'arrivée du Hamas au gouvernement voilà quatre ans, l'aide européenne aux territoires occupés s'est sensiblement intensifiée. Les financements européens ont quasiment doublé dans les douze mois qui ont suivi l'élection. Mais l'UE refusant de s'engager avec le Hamas, désormais confiné à la bande de Gaza, tous les fonds sont acheminés par le biais d'institutions contrôlées par le Fatah en Cisjordanie. Ces enveloppes ne servent plus désormais à soutenir des réformes de la gouvernance à long terme, mais l'aide d'urgence à court terme. Leur allocation est devenue opaque, ce qui est difficilement conciliable avec les exigences de transparence de l'UE de la part de la Palestine.

L'UE alimente le népotisme et la centralisation du pouvoir

L'adoption de meilleures normes de gouvernance aurait pu atténuer la polarisation du Fatah et du Hamas. Ce dernier est arrivé au pouvoir grâce au mécontentement populaire né des affaires de corruption qui ont touché le Fatah. Et, cependant, l'UE a encore alimenté ce népotisme et cette centralisation du pouvoir politique. Elle a parlé de réformes politiques, mais a conçu ces réformes pour soutenir un leader en apparence modéré - le président Mahmoud Abbas. La mission de l'UE de soutien à la police cisjordanienne a renforcé les forces de sécurité du Fatah contre les forces contrôlées par le Hamas. Officiellement, la mission visait à développer les droits de l'homme et l'État de droit. En pratique, elle a servi à équiper les forces du Fatah dans leur lutte pour la suprématie contre le Hamas.

De telles tentatives subreptices de vaincre le Hamas, sous couvert de réformes de la gouvernance, ne peuvent qu'accentuer les divisions qui existent entre les Palestiniens. Le coût de cette approche partiale de l'UE est aujourd'hui manifeste. L'espoir a été investi dans un leader politique qui menace désormais de ne pas se représenter. L'UE a appuyé la décision de Mahmoud Abbas d'ajourner les élections l'année dernière. Et elle n'est pas parvenue à dresser une feuille de route claire vers un gouvernement de l'unité palestinienne. Des divisions demeurent y compris entre les pays européens pour déterminer les conditions que l'on doit imposer aux membres du Hamas d'un tel gouvernement.

Les Palestiniens ont besoin d'une scène politique plus dynamique

En privé, les diplomates européens admettent s'être laissés enfermer dans une impasse après les élections de 2006, en se cantonnant à négocier avec une seule frange de l'échiquier politique palestinien. Le début d'une nouvelle phase du cycle électoral est l'occasion pour l'UE de sortir de cette impasse. Lady Ashton peut marquer des points dans sa jeune carrière sur ce dossier : une des graves défaillances de ces dernières années a été le manque d'appui diplomatique aux programmes d'aide européens sur le terrain - voyez la mission de surveillance des frontières, aujourd'hui moribonde, dont les employés font le pied de grue à des kilomètres du point de passage de Rafah.

Le gouvernement d'unité ne constituerait pas en lui-même une solution aux malheurs palestiniens. Ce dont le pays a besoin, ce n'est pas d'une série d'accords obscurs négociés en coulisses entre leaders du Fatah et du Hamas, mais d'une scène politique plus dynamique. Les bailleurs de fonds européens devraient récupérer leurs enveloppes des mains des élites incapables qui font la pluie et le beau temps dans le camp du Hamas comme dans celui du Fatah. Il faut renforcer la capacité démocratique de la société palestinienne à partir de la base, en réacheminant les aides vers les organisations qui agissent sur le terrain. C'est la seule mesure susceptible de redonner aux citoyens un sentiment d'appartenance à leur pays et de les inciter à mettre fin aux déchirements entre factions. Il s'agit là d'une première étape nécessaire pour entamer des négociations avec Israël.

Opinion

Les Vingt-Sept encore divisés

En se rendant en Israël, en Cisjordanie et à Gaza, la semaine dernière, la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, "a donné un signal sans ambigüité: l’UE rejette le blocage draconien d’un million et demi de Palestiniens à Gaza", et "elle a fait comprendre que l’UE entend faire plus de pression sur Israël" en ce qui concerne les colonisations, constatent cinq représentants d’ONG dans De Morgen. "Mais est-ce vraiment le cas ?", s’interrogent les auteurs de cette tribune. "L’Union est très divisée à propos d’Israël". Les auteurs rappellent que "le Conseil des ministres européens a décidé de geler provisoirement l’intensification des relations bilatérales avec Israël, une décision regrettées par des pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la République tchèque et l’Espagne". Ces derniers estiment qu’ "une meilleure coopération aura naturellement une influence positive sur le comportement d’Israël. Une dernière tentative de l’Espagne pour intensifier les relations bilatérales a essuyé un refus catégorique de la part de l’Irlande et de la Suède qui, avec Malte et la Slovénie, estiment qu’Israël doit d’abord respecter le droit international". Cette division au sein de l’UE s’explique par "*l*a peur des différents Etats membres de perdre leur influence dans le processus de la paix" et par les "intérêts économiques et politiques", assurent les auteurs, qui regrettent qu’ "elle se retrouve tiraillée entre ses paroles de condamnation et la politique qu’elle mène réellement".

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