“Notre” sécurité ?

Publié le 14 juin 2013

"C’est pour votre sécurité". Combien de fois avons-nous entendu, ces dernières années, cette formule ? Censée justifier un refus, une attente ou une entrave à nos déplacements, elle jalonne nos vies depuis que la "guerre au terrorisme" a été déclarée.

C’est également pour "notre" sécurité — enfin, surtout pour celle des citoyens des Etats-Unis — que la National Security Agency espionne les communications de ses concitoyens et l’activité en ligne de centaines de millions de personnes à l’étranger (le programme PRISM), avec la complicité du GCHQ britannique, comme l’ont révélé The Washington Post et The Guardian dans un des scoops les plus marquants du siècle. Le hic, c’est que tout ce qui entoure ces activités est couvert par le secret : des tribunaux qui autorisent les écoutes aux élus qui suivent les procédures.

Or, en démocratie, les entorses aux libertés ne sont admissibles que si les citoyens y consentent, si possible de manière éclairée, et ils doivent pouvoir exercer un contrôle à travers des organes représentatifs. Si une majorité des Américains estime que renoncer à leur vie privée est un prix acceptable à payer pour leur sécurité, il en va différemment des Européens. Non seulement ils sont la cible principale du programme PRISM, mais ils n’ont aucun moyen de contrôle démocratique sur les entités qui les espionnent. Quant à leur consentement, il va de soi qu’il ne leur a pas été demandé.

Les risques de dérives sont trop grands pour que l’on puisse se fier uniquement aux bonnes intentions des "grandes oreilles" outre-Atlantique et outre-Manche afin qu’elles n’abusent pas de leur pouvoir. Et la menace terroriste ne peut — comme la guerre perpétuelle de 1984 — être prise comme prétexte éternellement pour justifier le maintien d’un dispositif d’espionnage global. Difficile dès lors de résister à la tentation d’utiliser ce dispositif à d’autres fins bien plus concrètes, comme l’espionnage commercial.

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C’est pour cela qu’il est crucial que l’UE mène à terme, et au plus vite, la révision de la directive sur la protection des données personnelles, approuve au plus vite la réforme de sa législation en la matière. Proposée en 2012, celle-ci fait toujours l’objet de négociations entre les Vingt-Sept qui peinent à trouver le bon équilibre entre sécurité et liberté.

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