Idées Crise de la dette

On a sacrifié la Grèce pour sauver l’euro

Selon le FMI, le plan de sauvetage de la Grèce a surtout permis à ses créditeurs de se décharger de leur responsabilité et se prémunir des risques de contagion. Les Grecs devraient se révolter et rediscuter des conditions du prêt, estime To Vima.

Publié le 7 juin 2013 à 15:11

C’était donc ça : le plan d’aide était faussé depuis le début. Un plan qui a conduit à des conséquences dévastatrices. Un plan qui était censé “sauver” la Grèce, mais c’est plus exactement de l’euro qu’il s’agissait, et cela, à travers la mise à mort de la Grèce ! Et qui dit ça ? Eh bien, un des trois membres de la Troïka (BCE, UE, FMI) : le Fonds monétaire international. Et il critique autant ses partenaires que lui-même, mais aussi le gouvernement grec. Tous ensemble se sont dirigés vers une catastrophe qui n’avait pas d’autre motif que de faire gagner du temps aux autres [pays de la zone euro].

Le document du FMI qui a été publié le 5 juin est une gifle pour la politique de “sauvetage’’, mais surtout pour l’“Europe” — c’est à dire l’Allemagne — et également pour le gouvernement grec de l’époque, mené par [le socialiste George] Papandréou, qui avait signé le premier mémorandum.

Non seulement [les créditeurs] détruisent, mais ils donnent l’impression de vouloir utiliser la crise grecque pour protéger et, finalement, réorganiser la zone euro, au détriment de la Grèce.

Une classe politique discréditée

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Les documents sont exaspérants : le FMI avoue le crime, mais n’admet pas ses responsabilités. Il révèle de la manière la plus officielle le motif sans expliquer comment cette tragédie que traverse le pays — due non pas à la dette mais au plan de sauvetage — pourrait être affrontée une fois que les erreurs ont été reconnues. C’est d’un cynisme débordant…

Et naturellement, tout ceci expose irréparablement la classe politique grecque, qui soutenait le plan d’aide et qui le présentait comme le seul moyen de recours du pays. Et qui forçait vaille que vaille la Grèce à se plier à cette recette de mort avec pour alibi son sauvetage. Un sauvetage qui, comme l’a avoué le FMI, s’est révélé une catastrophe.

La classe politique ne s’est pas battue pour les intérêts du pays, mais au contraire, elle a préféré la voie facile et ne s’est souciée que du maintien de son pouvoir. Elle était prête a renoncer au peu de souveraineté du pays pour céder à un pitoyable chantage.

Si le gouvernement grec avait un minimum de respect tant pour le mot “grec” que le mot “gouvernement”, il ne devrait pas fermer les yeux sur la récente révélation du FMI.

Et maintenant ?

Il devrait cette fois-ci répondre à cette question : est-il possible que l’un des trois membres du directoire international qui exerce le controle économique sur le pays continue à suivre sa route sans que [le gouvernement grec] ne réagisse ? C’est peut-être pour cette raison que ce rapport a été réalisé et publié : pour donner à Athènes la force de remettre en question cette route — ou peut-être pas. En tout cas, l’idée qu’ils se soient “rendus compte tout à coup de leur erreur” est naïve.

La Grèce devrait enfin faire quelque chose. Qu’est ce qu’elle attend ? Et si ce n’est pas maintenant, quand ? Et tous ceux qui disaient que cette solution était un “sauvetage”, ou que la Grèce est elle-même responsable de son malheur et que les grecs devraient endurer tout cela, devraient revoir leur opinion.

Les créditeurs eux-mêmes ont fait auto-critique. Eh bien, que leurs partisans fassent de même…Et voyons, enfin, tous ensemble, comment peut-on exploiter cette terrible hypothèse pour mettre un frein à la catastrophe qu’on a nommé sauvetage. Même si il est beaucoup trop tard : parce que maintenant, la Grèce a perdu toutes ses armes. Par sa propre faute.

Réactions

Les gouvernements aussi ont leurs responsabilité

Après la publication du rapport du FMI sur le plan de sauvetage de la Grèce “la Commission européenne est sur la défensive”, souligne EUobserver, citant le porte-parole du commissaire aux Affaires économiques Olli Rehn, selon lequel les ajustements budgétaires et le maintien du pays au sein de la zone euro n’a pas été “une mince tâche.”

Mais la Troïka (BCE, UE, FMI) n’est pas uniquement responsables de la récession et des dégâts sociaux qui ont suivi les plans de sauvetage européens estime Il Sole-24 Ore :

Le problème ne s’est pas posé uniquement pour la Grèce, mais pour l’Irlande, le Portugal, l’Espagne et même l’Italie. Dans tous ces cas, la Troïka a choisi de faire peser tout le poids de l’ajustement sur les pays débiteurs, sans tenir compte du fait que l’erreur n’est pas uniquement de la part de celui qui emprunte de manière inconsidérée, mais aussi de celui qui accorde ces prêts. Si cette attitude est compréhensible de la part des institutions qui de fait représentent l’intérêt des créditeurs (comme le FMI et la BCE), elle l’est nettement moins de la part des gouvernements nationaux, qui auraient dû défendre l’intérêt des débiteurs. C’est trop de demander à eux aussi un mea culpa ?

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