Pour les accros des acrobaties articulatoires

Phrases imprononçables aux significations souvent ésotériques, les fourchelangues font le malheur des bafouilleurs dans tous les parlers de l'Union. Mais ce n'est pas une raison de ne pas essayer.

Publié le 17 juillet 2009 à 12:05

L’été arrive. Prenons en note. Il faut donc se tenir prêt. La frime a ses raisons que la raison ignore. Que diriez-vous alors d’une petite remise en forme ? Ne parlons pas seulement de la ceinture abdominale ou des muscles fessiers. En effet, à quoi bon exhiber une sculpturale silhouette d’Apollon ou le galbe élastique d’une Aphrodite jaillissant des vagues dans son plus simple appareil si face aux compliments qu’on vous adresse, vous ne sachiez répondre avec toute l’éloquence sans scories d’un Démosthène plein d’assurance ?

Le temps est donc venu, aussi, de retaper sa diction. A l’instar de l’immortel orateur athénien, inutile de se bourrer les bajoues de petits cailloux avant d’annoncer que : "Ces cyprès sont si loin qu’on ne sait si c’en sont !" En guise de gymnastique glosso-labiale, rien de mieux qu’une petite virée dans ces si ludiques locutions nommées "vire-langues" qui ravissent tous les enfants que nous restons secrètement et dont toutes les langues du monde abondent. Celles d’Europe pas moins que les autres. Essayons !

Au départ, bien sûr, ça bave un peu et ça bafouille, mais l’exercice est absolument garanti basses calories. Comme en anglais où il n’est pas nécessaire de se nommer Annie pour aimer, rouge ou jaune, les sucettes à profusion : "Red lolly, yellow lolly, redlollyyellowlolly". Si la soif vous prend, interpellez donc "Kiki la cocotte convoitant Coco le coquet concasseur de cacao caraco kaki à col de caracul", d’une invite rafraîchissante, diététique et néanmoins espagnole : "Compadre, cómprame un coco. Compadre, coco no compro que el poco coco come, poco coco compra." ("Mon pote, achète moi une noix de coco. Mais mon pote, je ne t’achèterai pas de noix de coco car qui mange peu de noix de coco n’en n’achète pas plus.")

Cependant, tout Polonais, comme Jerzy, n’est pas homme à se laisser monter le bourrichon quand il va se rendre compte par lui-même que dans la «"Tour ne sont pas nichés 100 hérissons et encore moins cinquante porc-épics" ("Idzie Jerzy i nie wierzy, że na wież jest sto jeży i pięćdziesiąt jeżozwierz"). Mais, Jerzy ira seul, "sachant en chasseur avisé qu’un chasseur sachant chasser sait chasser sans son chien de chasse"… Une fois dans la tour, trouvera-t-il une reine ? "Où, dit-on, Didon dit-on dîne du dos dodu de dix dindons dodus !"

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"Sont-ce des Suisses ces swatchs ?"

Dans la province du Haut-Adige, les Italiens préfèrent s’exercer à dénombrer les indigènes qui passent d’un pas trainant : "Trentratré Trentini entrarono a Trento tutti e trentaré, trottellerando" ("Trente trois Tridentins sans tridents entrèrent à Trente tous les trente-trois ensemble en trainant le train"). Du côté, de Berlin, en revanche il faut oser se jeter dans la mêlée en se risquant à la rixe des postiers de Postdam sans crainte de postillonner : "Postdamer boxclub boxt der Postdamer Postbusboss" ("Le club de boxe de Postdam boxe le boss du bus des postes de Postdam").

Ainsi, forts d’un tel talent, devenus briseurs de langues aguerris, vous pourrez enfin exercer pleinement vos charmes en vous affirmant comme de vrais briseurs de glace et pas seulement au bar de la plage : "Which wristwatch is a Swiss wristwatch ?" ("Sont-ce des Suisses ces swatchs ?") Curiosité à laquelle votre interlocuteur ne manquera probablement pas d’exiger de votre part une nette à cette autre question existentielle, à peine plus surréaliste mais tout aussi cruciale : "Les chaussettes de l’archiduchesse sont-elles sèches, archi-sèches ?"

Anke Wagner-Wolff, traduit par Philippe-Alexandre Saulnier

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