En mai 2009, l’OMS a fait passer l’alerte de pandémie de la grippe porcine du niveau 5 au niveau 6. Le lendemain, au Royaume-Uni, les cas d’absentéisme au travail pour cause de grippe avaient augmenté de 30 %. L’idée que le monde est en proie à une épidémie semble encourager certains à gager le pire d’un petit chatouillement dans la gorge. Quand ils sèchent le travail, les Italiens "fanno sega" (littéralement : "ils font la scie" bref "ils ne branlent rien"). Les Anglais eux disent qu'ils s'offrent un "duvet day" ("une journée sous la couette"), alors que les Allemands "blau machen" ("font un [jour] bleu"). L’expression vient de la tradition allemande du "lundi bleu" pendant lequel les artisans s’habillaient en bleu de travail.
Car c’est bien en Europe qu’est née l’hypocondrie. Le terme a été créé par Hippocrate ; les physiciens grecs de l’Antiquité considéraient le "spleen" (une humeur noire qu’on pensait générée par la rate) comme la source de nombreuses affections. On rend ce pauvre organe responsable de bien des choses ! En polonais, le "sledziennik" ("celui qui a du spleen") est une personne déprimée qui se plaint d’être toujours malade. En français, "avoir le spleen", c’est souffrir de la mélancolie qu’a décrite Baudelaire dans ses poèmes.
Des malades très imaginatifs
Dans la comédie de Molière, Le Malade imaginaire (1673), un vieil avare est convaincu d’être atteint de toutes les maladies et les médecins en profitent pour lui prescrire des traitements coûteux. En français, l’expression "malade imaginaire" est d’usage courant, mais les Italiens déplorent eux aussi les dommages causés à l’économie par les "malati immaginari", tout comme les Polonais ("chory z urojeni").
Soutirer un jour de congé à son chef par des moyens douteux est désigné en anglais par l’expression :"to pull a sickie" ("se faire porter pâle"). En Espagne, quelqu’un qui cherche à duper son monde peut être accusé de "cuentitis" ("historite"). Les Polonais, eux, disent ce que cela revient à "faire un berceau de Noël" ("odstawiac szopke") ou à "faire le cirque" ("odstawiac cyrk"). On reconnaît sans peine le talent créatif de Molière et de Baudelaire, mais il semblerait qu’on ait plus de mal à rendre justice à nos petites inventions de tous les jours.
Naomi o'Leary (traduction de Marilou Pierrat)