Sortir de l’UE, c’est abdiquer notre souveraineté

A l’heure où un sondage révèle que 56% des Britanniques sont favorables à une sortie directe de leur pays de l’Union européenne, le journal dominical redoute que les conséquences d’une telle sécession ne soient catastrophiques.

Publié le 20 novembre 2012 à 12:27

La Grande-Bretagne semble se rapprocher presque inexorablement du jour où elle ne sera plus membre à part entière de l’Union européenne. Un nouveau sondage d’opinion de The Observerlaisse entendre que, si un référendum sur la question leur était soumis, la majorité des Britanniques seraient enclins à voter pour la sortie – un indicateur de plus de la vigueur du sentiment eurosceptique.

A l’heure qu’il est, il est quasiment certain que les deux premiers partis politiques de Grande-Bretagne se sentiront obligés de proposer un référendum de ce type dans leurs manifestes en vue des prochaines élections législatives. A moins que l’Europe ne devienne soudain plus attrayante ou que les europhiles ne produisent des arguments plus solides, le résultat de tout référendum semble couru d’avance.

Une méfiance enracinée

La probabilité d’un départ total se renforcera un peu plus lors du Conseil européen de cette semaine, lors duquel 27 Etats membres tenteront de se mettre d’accord sur le budget de l’Union pour les sept années à venir. L’agriculture se taillait ordinairement la part du lion dans le budget européen ; or, désormais, l’essentiel des dépenses porte sur les infrastructures des pays les plus pauvres de l’Union, la recherche et le développement, et la mise en œuvre d’initiatives paneuropéennes, telles que le projet d’union bancaire. Au vu des besoins criants du Sud et de l’Est de l’Europe, un gel des dépenses est peu probable ; les 26 autres devraient se mettre d’accord sur une hausse limitée du budget en valeur réelle.

La Grande-Bretagne n’y souscrira pas. Coincé entre l’euroscepticisme de plus en plus affirmé de ses députés conservateurs et un parti travailliste opportuniste qui fait primer l’avantage tactique sur ses principes, David Cameron sait qu’il ne pourra pas faire passer un tel accord au Parlement et que le texte ne survivra pas à l’examen maniaque de médias eurosceptiques largement acquis à la cause du centre-droit. Il se verra donc contraint et forcé d’y opposer son veto, enracinant ainsi la méfiance qui règne déjà entre la Grande-Bretagne et ses voisins européens, et compromettant largement l’adhésion de la population à toute forme de concession, comme le succès d’un référendum sur une "union libre" [avec Bruxelles].

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Les eurosceptiques des rangs conservateurs se frotteront les mains. Pour eux, l’adhésion à l’Union européenne est pour partie responsable de la dépression prolongée qui frappe la Grande-Bretagne. Reprenant à leur compte les idées du Tea Party aux Etats-Unis, ils se proposent de faire marcher la Grande-Bretagne sur les traces de Hong Kong. Une protection minimale pour les travailleurs ; l’occasion de faire de la Grande-Bretagne un paradis fiscal et de devenir le renégat économique et politique de l’Europe, croyant que l’UE sera ravie d’accepter une concurrence injuste et non réglementée. Il faut beaucoup d’imagination pour y voir la planche de salut de l’économie britannique.

Sous-traitants de la planète

Ce serait un désastre à tous points de vue. L’industrie automobile britannique partira dans les pays à bas coût qui sont restés dans l’UE. Et de nombreuses autres industries suivront ; la production d’Airbus se déplacera en Allemagne et en France. Les dégâts sont d’ores et déjà considérables. Si Berlin a mis son veto à l’accord EADS-BAE, c’est notamment parce que l’Allemagne anticipe le départ de la Grande-Bretagne de l’UE. Berlin ne voulait pas que l’industrie européenne de la défense soit concentrée dans un pays qui ne soit pas membre de l’UE. Le secteur des services financiers sera réglementé selon les modalités fixées par Bruxelles et sera incapable de résister. Quand aux agriculteurs britanniques, qui ont prospéré sous la Politique agricole commune, ils seront dépendants du nouveau dispositif de soutien à l’agriculture mis en place par la Grande-Bretagne, quelle que soit la forme qu’il prendra. La survie des exploitations passera par une industrialisation de l’agriculture dont notre chère campagne anglaise fera les frais.

La fraude et l’évasion fiscales atteindront des niveaux catastrophiques, tandis que notre économie toute entière tombera dans l’escarcelle de multinationales étrangères qui mettront l’évasion fiscale en Grande-Bretagne au cœur de leur stratégie commerciale. Aucun eurosceptique ne s’est jamais plaint de voir la Grande-Bretagne vendue aux étrangers, alors que c’est une menace autrement plus grande que Bruxelles pour notre souveraineté.

Nous deviendrons les sous-traitants de la planète, avec une souveraineté économique réduite à néant, une économie de bric et de broc proposant des bas salaires éphémères à une population privée de la protection d’un contrat social en raison de la disparition de notre assiette fiscale.

Pouvoir médiatique écrasant

Les sommités de ce pays le savent – la plupart des membres des équipes dirigeantes de nos grands partis politiques, dont les Torys, les patrons de notre grandes entreprises, les grands noms de notre culture, les chefs de file de nos syndicats, nos universités et quelques-uns de nos intellectuels publics. Pourtant, tous se taisent, malmenés et intimidés par le pouvoir médiatique écrasant des eurosceptiques, perdant courage du fait de la crise qui frappe la monnaie unique. Or, l’UE est en train de mettre en place des dispositifs destinés à assurer la survie, voire l’épanouissement, de l’euro – un mécanisme de sauvetage et de renflouement, une union bancaire, une coordination budgétaire renforcée et une collaboration politique accrue. L’UE, l’euro et la monnaie unique seront encore là dans dix ans – ce sont les instruments de notre continent pour gérer la mondialisation et relever les défis du 21e siècle. Nous pouvons être des renégats à la marge ou jouer notre partition dans l’un des grands projets de notre époque. Ceux qui croient à l’Europe doivent prendre la parole – le temps presse.

Contrepoint

Un budget “moralement mauvais” en ces temps difficiles

Dans sa chronique hebdomadaire publiée dans le Daily Telegraph, Boris Johnson explique que dans un contexte plombé par l'austérité, il est "extraordinaire" que la Commission européenne cherche à augmenter son budget de 5 à 6,8%. Le maire de Londres connu pour son franc-parler ne "doute" pas qu'au Conseil européen de jeudi à Bruxelles, le Premier ministre britannique David Cameron

mettra son veto au projet, et non seulement les gens raisonnables de ce pays - et du reste de l'Europe - l'acclameront, et il aura raison politiquement, intellectuellement, moralement à tous les points de vue.

L'argument principal de Johnson est que les quelque 5,2 milliards d'euros de ce budget sont perdus "par des escrocs à tout faire qui perçoivent des fonds versés par nous tous."

C'est un budget si rongé par la fraude et les malversations que pas une seule fois en 18 ans la Cour européenne des comptes n'a émis un avis de bonne santé. […] Il y a des champs qui sont des forêts qui sont censés être cultivés. Il y a des forêts qui sont censés être des champs, et nous payons des subventions pour les deux. L'année dernière, la Commission elle-même a reconnu que les fonds européens versés à la Roumanie - 515 millions d'euros - sont pratiquement tous concernés par des affaires de fraudes ou d'abus des uns et des autres. Bruxelles avoue, la main sur le coeur, qu'il semble que seulement près de 10% des fonds aient atteint leur destination légitime.

[…] Les officiels européens sont à la tête d'un vaste système d'abus et de vols des fonds publics, et ont aujourd'hui l'effronterie de nous dire qu'ils ont besoin d'une augmentation bien supérieure à l'inflation, entre autres, pour le grand caravansérail irréformable de Bruxelles, Luxembourg et Strasbourg.

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