La campagne aux environs de Česky Krumlov, Bohême du Sud. Image: J & M Funderburk

Terres agricoles pas chères cherchent acheteurs

Les terrains agricoles coûtent beaucoup moins cher en République tchèque que partout ailleurs en Europe. D'ici 2011, leur vente sera autorisée aux citoyens non tchèques. Faut-il s'inquiéter de l'arrivée massive de riches agriculteurs européens?, se demande l'hebdomadaire praguois Respekt.

Publié le 6 juillet 2009 à 14:09
La campagne aux environs de Česky Krumlov, Bohême du Sud. Image: J & M Funderburk

Il y a vingt ans, il n’a pas fallu longtemps à monsieur Everdingen pour se décider. Dans son pays natal, les Pays-Bas, il exploitait une ferme biologique d’élevage de bétail. Il souhaitait s’agrandir. Mais dans un pays à la densité de population aussi élevée, cela posait quelques problèmes. Il vit dans la chute du rideau de fer une chance de réaliser son projet et décida donc d’aller voir du côté des anciens pays communistes. Il s’installa finalement en République tchèque, à Žebráky na Tachovsku, dans l’ouest du pays, où il acheta une ferme qui n’intéressait personne dans les environs.

"Nous avons tout simplement trouvé ici des conditions excellentes pour notre exploitation", explique monsieur Everdingen, qui, après avoir travaillé vingt ans en République tchèque, maîtrise assez bien la langue du pays. Sa ferme embellit les lieux, et les voisins tchèques de "ce fermier étranger vivant sur le sol tchèque" le considèrent comme un des leurs.

Monsieur Everdingen possède une partie du terrain qu’il occupe. Il loue le reste. "Etre propriétaire offre plus de garanties", affirme monsieur Everdingen. "Vous êtes plus assurés de pouvoir conserver votre investissement". En 2011, lorsque sera levée l’interdiction temporaire pour les citoyens européens non tchèques d’acheter des terrains en République tchèque, il accédera enfin à cette "garantie du propriétaire". Les habitants, eux, restent dans l’expectative quant à ce que pourra bien signifier cette révolution pour leur paysage.

La possibilité pour les étrangers d’acheter des terrains n’est pas spécifique à la République tchèque. Ces dernières années, par exemple, les Britanniques fortunés se sont pris de passion pour les fermes abandonnées en Normandie, dans le nord de la France. Ils en ont achetées en quantité et se sont lancés dans leur exploitation. Difficile aujourd’hui d’estimer le degré d’intérêt que susciteront les terrains tchèques. Du reste, il n’existe aucun recensement officiel des exploitants étrangers dans le pays - que ce soit en tant que locataires ou en tant que propriétaires à travers un prête-nom.

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De plus, l’achat d’un terrain agricole en République tchèque est souvent très compliqué en raison de la difficulté d’identifier son propriétaire. Il s'agit là d'un héritage du système communiste des coopératives agricoles, que l’Etat n’a toujours pas réussi à liquider. La confiscation massive des propriétés privées des agriculteurs, dans les années 1950, suivie de leur intégration dans des coopératives agricoles, fait qu’il est aujourd’hui extrêmement complexe de savoir à qui, à l’époque, appartenait telle ou telle parcelle de terre.

Le programme national de réaménagement des terres actuellement en cours va permettre de rationaliser cette situation et de faciliter l’achat de terrains. Toujours est-il que l’intérêt des étrangers est déjà bien réel. Ne serait-ce que parce qu’ils sont nettement moins chers que partout ailleurs en Europe. L’hectare vaut en moyenne 36 000 euros en Hollande, contre 2 520 euros en République tchèque. Cette réalité nourrit la crainte qu‘une fois levée l’interdiction pour les étrangers d’acquérir des terrains agricoles en République tchèque, en 2011, de riches hommes d’affaires viennent de tous les coins d’Europe en acheter en masse. Selon les experts, cette crainte n’est pas justifiée.

"Il n’y a pas vraiment de risques, l’intérêt sera certes accru, mais il ne sera pas démesuré", estime le spécialiste des questions agricoles Petr Havel. De plus, note-t-il, "en venant chez nous, les étrangers apportent leur savoir-faire. Ils sont ainsi susceptibles de contribuer à relancer notre l’agriculture". Selon Jaroslav Šebek de l’Association de l’agriculture privée de la République tchèque, les Néerlandais et les Italiens sont ceux qui se montrent les plus intéressés. Une discussion a d'ores et déjà été engagée avec certains des agriculteurs étrangers installés en République tchèque pour qu’ils deviennent membres de l’Association. En fait, estime Šebek, "le seul véritable obstacle aujourd’hui est la barrière de la langue. Mais avec le temps, cela ne devrait plus poser problème".

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