Actualité Invasion de l’Ukraine | Vue depuis Lviv

Journal de l’Ukraine en guerre

Un groupe d’étudiantes de Lviv, une grande ville de l’ouest de l’Ukraine, tient un journal collectif pour Voxeurop. Autant que la situation sur place le permet, elles partagent leur expérience et leurs sentiments sur l’attaque menée par les troupes russes et son impact sur leur vie quotidienne. Leurs opinions ne reflètent pas forcément celles de Voxeurop.

Publié le 1 septembre 2022 à 09:48

 Coordonné par Kateryna Panasyuk


Fin août 2022

Je tiens vraiment à remercier chacun d'entre vous qui avez lu ces histoires et à vous faire savoir que ce que vous faites compte. Le fait que vous lisiez sur l’Ukraine, en parliez, y pensiez et écriviez dessus fait toute la différence. Aucun d'entre nous, auteurs, n'a jamais prévu ce qui se passe aujourd'hui dans nos vies ; personnellement, je n'aurais jamais imaginé écrire à des dizaines de personnes auxquelles je n'avais jamais parlé auparavant pour leur demander de l'aide. 

Voxeurop a été l'un de ceux qui ont répondu rapidement et à bras ouverts. Voici les deux choses que je vous demande de faire : souvenez-vous chaque jour de l'Ukraine, car la mémoire est un témoignage des crimes commis contre mon peuple ; et ouvrez vos portes à ceux qui sont dans le besoin, que ce soit un réfugié ukrainien, quelqu'un qui vous demande de partager une histoire, ou qui que ce soit d’autre.

Ce fut un plaisir.

Nous vous reverrons un jour, lorsque nous reviendrons pour écrire le journal de la victoire de l'Ukraine.

Kateryna Panasiuk


Des civils étrangers au milieu de la guerre

Onysym Zharovskyy

Avec sa guerre, la Russie a non seulement mis en danger les Ukrainiens mais aussi des milliers de citoyens étrangers restés dans notre pays, principalement des touristes et des étudiants. La plupart d'entre eux venaient de pays pacifiques et n'étaient absolument pas préparés à la guerre. Ne connaissant pas l’ukrainien, difficile pour eux de comprendre l'ensemble de la situation et de suivre les mises à jour.

Dès les premiers jours de la guerre, j'ai été bénévole dans un centre d’accueil pour réfugiés à Lviv, une grande ville près de la frontière polonaise. Il s'est avéré que mon centre avait été fondé spécialement pour les étrangers ayant besoin d'un logement. Dans certains cas, je les ai vus arriver au milieu de la nuit. Ces personnes venaient des quatre coins du monde : Des Moyen-Orientaux, des Américains, des Nigérians, des Chinois, des Polonais, des Italiens, des Turcs, des Bangladais, des Biélorusses – principalement des jeunes étudiant, travaillant ou simplement cherchant du bon temps dans notre pays. Lorsque la guerre a commencé, certains ont pris peur, d'autres se sont comportés de manière inconsidérée, tandis que le reste était dans la confusion la plus totale. Ils ne pensaient pas la guerre possible. Tous avaient l'air épuisés. Nous avons essayé de les calmer et de les aider du mieux que nous pouvions. Nos hôtes sont restés une nuit et se sont ensuite dirigés vers la frontière polonaise.

En général, la plupart de nos résidents ne comprenaient pas ce qui se passait, ni la gravité du danger. J'ai donné des instructions à tous les nouveaux arrivants sur ce qu'ils devaient faire s'ils entendaient une sirène d’alarme. Certains ne savaient même pas à quoi cela ressemblait. Les alarmes hurlaient presque toutes les nuits ; il était difficile pour mes collègues et moi de nous réveiller, de rassembler tous les résidents et de nous rendre à l'abri anti-bombes le plus proche en quelques minutes. Certains refusaient de partir parce qu'ils voulaient dormir, et nous devions prendre du temps pour les convaincre en leur expliquant que l'alarme signifiait qu'une attaque de missiles sur notre ville était possible, et que si une roquette frappait notre dortoir, nous ne survivrions probablement pas – ce n'est qu'alors qu'ils acceptaient de coopérer. De toute évidence, la plupart des gens ne comprenaient pas le danger, et ce n'est pas grave – ils n'avaient aucune expérience de la guerre.

En déclenchant cette guerre horrible et injuste, la Russie a mis en danger tous les civils qui sont restés ici. Elle a déjà tué des milliers de personnes. La Russie est un état terroriste.


Notre quotidien

Oleksandr Manastyrskyy

Je m'appelle Oleksandr. J'ai 19 ans, je suis actuellement étudiant en 3e année de sciences politiques à l'Université catholique ukrainienne. Avant la guerre déjà, j'étais un volontaire actif dans différents projets et initiatives sociales. Désormais, je fais de mon mieux pour aider mon pays autant que je le peux, car ce n'est qu'ensemble que nous pourrons surmonter toutes ces épreuves et gagner cette horrible guerre.

Depuis le début de la guerre, je me suis porté volontaire tous les jours, comme beaucoup d'Ukrainiens. Cependant, il semble que les choses se calment en ce moment, et ce n'est pas parce que la guerre ralentit ou parce que les forces militaires ukrainiennes prennent le dessus sur l'ennemi. En vérité, nous nous habituons à la guerre. La plupart des Européens ne se soucient guère de ce qui se passe en Ukraine, tant ils sont occupés par leurs propres devoirs et priorités. Pour étayer ces propos, une expérience personnelle : Je gérais avant mon centre de bénévolat, qui recevait principalement des fournitures de l'étranger. En juin, cependant, j'ai remarqué que l'aide a commencé à diminuer de façon spectaculaire parce que certaines personnes étaient simplement fatiguées, tandis que d'autres pensaient qu'elles en avaient déjà fait assez. D'après mes observations, même les Ukrainiens, surtout à l'ouest du pays, se comportent comme s'il n'y avait plus de guerre.

Je suis actuellement en pause dans mes activités de volontariat en raison de mes études universitaires et de quelques autres problèmes personnels. Cependant, je coopère avec une ONG qui travaille sur des projets de reconstruction de l'Ukraine. Actuellement, de nombreuses entreprises et fondations en Ukraine traversent un moment difficile car, selon les experts, les pertes des petites et moyennes entreprises s'élèvent à environ 85 milliards de dollars. Tout cela a provoqué des pénuries de production et des réductions d'effectifs dans de nombreuses entreprises. Ces facteurs ont poussé de nombreuses personnes à fuir leurs villes et leurs foyers à la recherche de meilleurs endroits où vivre. Certains les ont trouvés dans l'UE.

Cependant, la guerre se poursuit, et des soldats et des civils meurent chaque jour. Les gens meurent de faim. Des milliers de personnes ont perdu leur domicile. Beaucoup ont été victimes de la violence physique – et parfois sexuelle – des soldats russes. Récemment, une frappe aérienne russe a tué 18 personnes et en a blessé 30 autres dans un centre commercial de Krementchouk. Il y a quelques semaines, des roquettes russes ont frappé des bâtiments civils dans les régions de Donetsk, Mykolaïv et Odessa. En conséquence, de nombreuses personnes sont restées coincées sous les décombres, et certaines ont été tuées sur le coup.

C'est notre quotidien. J'aimerais que plus de gens gardent cela à l'esprit. N'oubliez pas que pendant que vous profitez de votre soirée, certaines personnes ont peur de ne pas se réveiller le lendemain matin. Gardez cela à l'esprit et aidez l'Ukraine à gagner. Nous sommes plus forts ensemble.


La politique dans l'art et la culture

Martha Belia

La guerre russo-ukrainienne dure depuis déjà plusieurs mois, et je suis personnellement toujours indignée lorsque quelqu'un se met à défendre un État terroriste et tolère les Russes qui, dans leur majorité, soutiennent – activement ou passivement – la guerre.

Je veux vous dire que vous ne devriez pas tolérer quoi que ce soit de russe : de la littérature aux artistes modernes. Dans ce court texte, je n'écrirai pas sur comment la puissance coloniale de l'Empire russe puis de l'URSS s'est appropriée les artistes et les scientifiques ukrainiens ou les a impitoyablement détruits et effacés des pages de l'Histoire.

Je veux simplement expliquer pourquoi vous devriez renoncer à tout ce qui est russe, si vous êtes une personne dotée de conscience et de dignité, si vous accordez de la valeur à la vie humaine.

Beaucoup de gens ignorants croient que "l'art est en dehors de la politique", mais ce n'est pas vrai. L'art est le pouvoir, il est la culture et il est l'Histoire. L'art est d'une grande importance pour ceux qui veulent contrôler la façon dont les hommes pensent. C'est pourquoi les occupants détruisent toujours l'art ou en font toujours de la propagande.

Depuis le 24 février, les Russes ont détruit plus de 417 monuments du patrimoine culturel et laissé un terrain vague derrière eux. Ils détruisent les musées et les monuments et rasent tout ce qui est ukrainien. Les forces armées russes ont endommagé au moins 379 établissements d'enseignement en Ukraine, et plus de 50 d'entre eux ont été détruits. Elles brûlent même des livres et des manuels scolaires ukrainiens. Elles essayent délibérément d'effacer l'histoire et la culture ukrainiennes.

Tout cela constitue des crimes de guerre, pour lesquels l'État agresseur devra sans aucun doute répondre.

Pendant que la guerre se poursuit, que les Russes détruisent tout ce qui est ukrainien, le monde civilisé doit renoncer à la culture de l'État terroriste. Car sinon, il soutiendrait les bourreaux et les assassins et aiderait l'agresseur à diffuser sa propagande.


Un espoir pour l'avenir

Veronika Strus

Je suis étudiante en troisième année d'études culturelles à l'Université catholique ukrainienne. Lorsque la guerre a commencé, je suis restée dans ma ville natale de Lviv, j'ai travaillé et fait du bénévolat pour diverses organisations.

7 mois après le début de la guerre, les Ukrainiens y sont déjà habitués. Notre vie a acquis une nouvelle routine : les alarmes, les trajets vers l'abri anti-bombes si possible, la surveillance de l’actualité, l'espoir constant "pour le meilleur", l'inquiétude pour les proches et la maison, la peur et l'incertitude quant à l'avenir sont devenus monnaie courante pour nous.

Il y a un an à peine, je n'aurais jamais imaginé devoir faire face à de telles réalités. Mais le 24 février est le jour où tout a changé.

Malheureusement, les problèmes mentionnés ci-dessus se sont avérés être les moins déprimants. La terrible nouvelle que nous avons tous reçue le 29 juillet a eu raison de ma foi dans le droit international et la simple morale humaine.

Dans la nuit du 28 au 29 juillet, de violentes explosions ont retenti dans la région d'Olenivka, qui se trouve dans le territoire temporairement occupé de la région de Donetsk. Les explosions ont été entendues en provenance du centre de détention qui s’y trouve, qui accueillait alors des prisonniers de guerre ukrainiens. Environ 50 soldats ukrainiens sont morts, et 70 autres ont été gravement blessés.

Il est difficile de croire que des actions aussi terribles se déroulent en 2022, alors que le monde essaie d'être plus humain. Des actions sans aucune explication logique. Des actions qui violent les normes générales des droits humains.

Afin de "tendre la main" à certaines organisations mondiales, la population de diverses villes européennes et ukrainiennes s’est présentée à des rassemblements avec des affiches. "La Russie est un État terroriste", "La Russie est synonyme de crime", "Ramenez les héros à la maison", "Sauvez les défenseurs d'Azovstal" – les gens se sont rassemblés dans différentes villes et, avec de tels slogans, espèrent obtenir au moins quelques réponses et des décisions plus fermes concernant les actions terroristes de la Russie.

Même en ces temps difficiles, je crois sincèrement que les Ukrainiens obtiendront justice, qu’une aide décente de la part des ONG leur sera fournie, et que les responsables de la mort des prisonniers de guerre à Olenivka répondront un jour de leurs actes.


10 mai

Réflexions romaines

Kateryna Panasiuk

C'est si étrange de se sentir en sécurité. Tellement bizarre et contre-nature de se promener dans une ville paisible, pleine de joie, de rires et d'énergie ; de voir des hommes adultes s'enthousiasmer pour des pâtes italiennes et offrir des glaces à leurs enfants. Je suis ici uniquement parce qu’un proche m'a persuadé de partir à l'étranger pour quelques semaines, afin de pouvoir étudier pour mes examens à l'université et me reposer un peu. J'apprécie cette chance de voir Rome, c'est en effet une ville formidable ! Si pleine de gloire antique, elle est fondamentale, forte, spacieuse. Je ne laisse pas ce genre de pensées me traverser l'esprit trop souvent, mais parfois, je déteste vraiment ceux qui m'entourent. Ils passent leurs vacances romaines puis rentrent chez eux en toute sécurité et dans la joie. Ils ne s'inquiètent jamais de savoir si leur maison sera toujours là quand ils reviendront.

Je vois des réfugiés et des drapeaux ukrainiens partout, j'entends ma langue maternelle dans le métro. Nous sommes éparpillés dans le monde entier, tous les yeux rivés sur nos téléphones, le cœur tremblant et inquiet. Nous sommes le 8 mai, je suis dans le train. Un message s'affiche sur l'écran : des explosions à Odessa. Mon cœur bat la chamade : j'aime profondément cette ville pour de nombreuses raisons. Quelque temps plus tard, je vois des photos d'hôtels et de maisons démolies en bord de mer. Pas d'infrastructure militaire là-bas, juste des lieux chers à mon cœur et à celui de mes proches. Cet été, je m'y suis baignée sur un zodiac, nous avons failli nous couler mais le plaisir en valait la peine. Maintenant, le rivage est en ruines. C'est ce que je déteste – tous les Russes.


8 mai

La vie revient à Kiev

Mykyta Vorobiov

Je m'appelle Mykyta. Cet hiver, j'ai étudié et vécu au cœur même de Kiev. Comme beaucoup d'autres citoyens, j’ai été réveillé le 24 février par des frappes de missiles et j'ai réalisé que ma vie ne serait plus jamais la même. La bataille pour la capitale a été féroce, et les Russes ont frappé les maisons civiles dès les premiers jours. En raison des raids aériens permanents et du danger, j'ai dû déménager en Ukraine occidentale. Il n'y a pas un jour où je n'ai pas regretté Kiev, ses belles rues, ses cafés chics, ses gens audacieux et excentriques. J'y ai laissé mon cœur.

Les photos de la ville immense et vide pendant le premier mois de la guerre m'ont brisé le cœur. Lorsque la situation s'est améliorée à la fin du mois d'avril, j'ai décidé de retourner en ville, juste pour quelques jours, et cela a valu tous les risques. C'était une expérience unique de voir comment de plus en plus de gens rentrent chez eux, et comment Kiev devient chaque jour plus verte et plus vivante !

Chaque jour, le maire de la ville avertit les citoyens qu'ils ne devraient pas revenir, mais leur désir de voir leur maison, de s'asseoir sur la magnifique digue du Dnipro, de boire un café dans leur endroit préféré et, bien sûr, de voir les célèbres châtaigniers – le symbole de Kiev – l'emporte à chaque fois.

La ville est florissante pour la première fois depuis le début de la guerre, et pas seulement au sens propre. J'ai vu le désir de vivre partout, dans chaque rue et sur chaque visage. Kiev est régulièrement bombardée et a besoin d’aide humanitaire, mais personne ne peut conquérir la nation de gens qui sont prêts à revenir au-devant du danger depuis les meilleurs pays du monde entier, uniquement pour retrouver leur maison et leur belle ville natale.

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25 avril

L’accueil allemand

Khrystyna Dmytryshyn

"Le 24 février, mon ami m'a appelé à 6 heures du matin pour me dire que la guerre avait commencé. Bien que je vivais alors dans la région occidentale de l'Ukraine, où il n'y avait pas encore de bombardements, j'ai eu énormément peur pour mes enfants", se souvient Olya, une réfugiée ukrainienne séjournant en Allemagne.

"Mon mari est rentré de son travail à Kharkiv le lendemain, le 25 février. Nous avons décidé que je devais partir en Pologne avec les enfants. Notre train était plein de monde : J'ai dû rester debout toute la nuit, et certains enfants dormaient par terre.

Les Polonais nous ont accueillis avec chaleur et gentillesse. Cependant, je suis vite partie en Allemagne parce que je sais parler allemand, et une famille pour laquelle j'ai travaillé m'a invitée à venir chez elle. Elle nous a même donné une de leurs chambres pour que nous puissions rassembler de l'aide humanitaire pour les réfugiés ukrainiens ici. Mon fils aîné a été admis dans une école allemande, et les enseignants et les enfants l'ont beaucoup soutenu. Le plus jeune ira aussi au jardin d'enfants ici. Tout le monde est amical et gentil avec nous.

Le pasteur local m'a demandé si je voulais donner des cours d'allemand gratuits aux réfugiés ukrainiens. J'ai accepté, bien sûr. Maintenant, j'enseigne à un groupe de 15 personnes à l'église.

J'ai toujours voulu déménager en Allemagne avec ma famille, mais je n'aurais jamais pensé que cela se produirait dans de telles circonstances. Maintenant, je veux rentrer chez moi. Je veux que mes enfants cessent de demander quand ils reverront leur père."


23 avril

Pâques froides

Kateryna Panasiuk

C'est la veille de Pâques ici en Ukraine, le samedi 23 avril. Le temps ressemble à l'automne, il fait froid et pluvieux, pas de soleil aujourd'hui. Les cerisiers en fleurs et les petites feuilles sur les arbres nus me rappellent que c'est en fait le printemps. Il a neigé la semaine dernière, mais toute la neige a fondu avant d'atteindre le sol ; on ne s'émeut plus trop de la neige en avril. 

Le froid ne semble pas naturel. Le reste de l'Europe semble avoir un printemps chaud normal, nous restons dans le froid. Les soudaines et rares poussées de chaleur et de soleil sont des jours de bonheur pour moi. J'ai l'impression que ce sont les mains sanglantes et rampantes de la Russie qui apportent ce froid humide et dégoûtant ; il est à la fois à l'extérieur et à l'intérieur de chaque Ukrainien. Cela fait 58 jours de froid. Il continue toujours.

Demain, ce n'est pas la première fois que les Ukrainiens célèbrent Pâques en temps de guerre. Mais pour moi, c'est la première. Je suis très en colère : les Russes ont rendu dangereux le fait d'aller à l'église en ce grand jour. Ils nous ont menacés. Ils ont refusé la proposition d'armistice de Pâques que l'Ukraine avait faite. La Russie veut tuer. Peu importe si c'est Pâques, n'importe quel groupe d'Ukrainiens est leur cible, même si nous nous rassemblons simplement pour glorifier Dieu de manière pacifique en ce jour lumineux. 

En temps de froid et de guerre, au milieu de la bataille contre le mal pur, nous célébrons la résurrection de Jésus-Christ. Que l'Ukraine soit aussi courageuse que Lui. Laissez le reste du monde voir qu'une ombre maléfique est arrivée à sa porte ; le monde doit la combattre, et non faire la paix avec le diable.

Armez l'Ukraine. 

Priez pour l'Ukraine.

Utilisez #ArmUkraineNow dans vos messages sur les médias sociaux, aidez-nous à gagner.


19 avril

Parfois, il m'est difficile de croire en l'humanité

Martha Belia

Il m'est parfois difficile de croire en l'humanité.

Cela fait presque deux mois que mon pays brûle dans une guerre de grande ampleur. Une guerre dans laquelle les gens se battent avec des bêtes qui ne connaissent ni honneur, ni conscience, ni pitié.

Les crimes des fascistes allemands sont revenus, mais maintenant ils sont exécutés par les Russes : déportation forcée, camps de filtration, et même génocide. Malheureusement, la liste de leurs crimes peut être poursuivie pendant très longtemps...

Parfois, j'ai du mal à croire en l'existence de l'humanité quand, pour une histoire sensationnelle, les médias essaient de dépeindre le diable comme un ange, c'est-à-dire de montrer les Russes, qui soutiennent la machine totalitaire des meurtres, comme des victimes. Cependant, en justifiant le diable, on peut perdre son âme...

Dans le tourbillon d'événements aussi horribles, il est difficile de croire en l'existence de l'humanité, mais elle existe et les Ukrainiens le prouvent. Les cœurs de millions d'Ukrainiens battent à l'unisson pour un objectif commun, pour la victoire et la liberté. Des millions d'Ukrainiens ne font qu'un et se battent chacun sur leur propre front. Des millions d'Ukrainiens qui ne font qu'un ont dans leur cœur quelque chose qui ne meurt jamais...  

Dans les moments où le cœur s'enfonce dans le découragement, je les évoque : des gens dont la puissance est tempérée par le feu. Des personnes dont la liberté absorbe des milliards d'autres cœurs et les allume à l'unisson.

Merci à tous ceux dont le cœur bat avec nous. Et tant que nos cœurs battent, rien ne peut nous briser.


18 avril

Oleksandra, le bénévolat avant les études

Khrystyna Dmytryshyn

"Le premier jour où l'invasion a commencé, j'ai consacré mon temps au bénévolat. J'aidais à l'enregistrement des réfugiés venant des zones où les bombardements intensifs venaient de commencer. Depuis, j'ai fait de tout : du tri de matériel humanitaire à l'aide sur le front de l'information. Les études ne sont plus ma priorité," explique Oleksandra, une étudiante en sciences politiques de Lviv.

"Ces derniers mois, j'apporte mon aide à la frontière polono-ukrainienne. Nous offrons un soutien psychologique aux réfugiés, car ils ont subi un stress extrême. Certaines familles ont été obligées de conduire leur voiture pendant quatre jours, d'autres ont perdu leur maison ou même leurs enfants. Ceux qui n'ont pas de parents ou d'amis à l'étranger ont l'impression de n'avoir nulle part où aller. À la frontière, nous leur offrons du thé chaud, nous les écoutons, nous partageons des conseils et essayons de leur assurer que tout ira bien. Une autre tâche consiste à se coordonner avec les volontaires étrangers. J'ai été impressionnée par le nombre d'étrangers désireux d'aider l'Ukraine.

Mon expérience de volontaire est quelque chose dont je peux être reconnaissante malgré cette guerre, car je vis des émotions uniques. J'essaie de rester positive et de bloquer mes sentiments car je me sens engagée dans une bonne cause. Je ne peux pas me consacrer aux études car je pense que cela ne sert à rien. Mais il est impossible de décrire les émotions que vous ressentez en voyant un petit enfant sourire ou un adulte exprimer une immense gratitude rien qu'en vous regardant dans les yeux."


14 avril

Combattre le récit officiel de la Russie

Hanna Shypilova

Les Ukrainiens souffrent depuis de nombreuses années de stéréotypes largement répandus. La plupart d'entre eux sont liés à leurs prétendues "relations familiales avec la Russie" : pas de différences entre les peuples de ces pays, une même langue utilisée, etc. Toutes ces déclarations ont des origines historiques et des significations métaphysiques que le gouvernement russe manipule depuis l'effondrement de l'URSS pour garder l'Ukraine près de lui. En 2022, il a créé l'illusion de la légitimité de l'invasion russe en Ukraine, comme en témoigne le discours de Poutine du 21 février.

Ce type de propagande est surtout dirigé vers les personnes qui vivent en Russie ou qui suivent ses médias. Une représentation flatteuse de l'héroïque armée russe et de sa mission de sauver les pauvres Ukrainiens a été peinte pendant des années et joue un rôle énorme dans cette guerre.

Cela a encouragé tous les Ukrainiens à mener une campagne d'information dans le monde entier. Beaucoup d'entre eux écrivent des articles (comme nous le faisons), partagent des documents vérifiés et promeuvent des publicités ciblées. Cela permet d’apporter une autre façon de voir aux personnes qui souffrent de la propagande russe, et c’est rentré dans la routine quotidienne des volontaires, comme se brosser les dents ou courir vers les abris quand sonne l'alerte.

Il y a de nombreuses façons de rejoindre ce combat. Même en partageant un message sur les médias sociaux, vous pouvez prendre part à une campagne mondiale. Le 21e siècle nous a permis de comprendre que l'internet est devenu un élément essentiel de notre vie et qu'il peut être utilisé par différentes personnes à des fins diverses.


13 avril

La petite Marioupol

Anna-Maria Valchuk

"Je suis partie sans rien", se rappelle Nadiia Ukrainets, directrice de l'école secondaire de Makariv. "Mais bon, ce n'est rien car je suis vivante, et aujourd'hui, chaque Ukrainien pense que la valeur humaine la plus inestimable est la vie."

Actuellement, Nadiia vit à Stryï, dans la région de Lviv. Elle a quitté Makariv le 7 mars, lorsque l'école a été attaquée par un lance-roquettes multiple  "Grad".

Nadia dit qu'il est difficile de parler de tout cela. Nous sommes au 21e siècle, et il y a encore une nation comme la Russie pour nous attaquer sans raison. Nous appelons Makariv “la petite Marioupol''. Les Russes ont détruit toutes les infrastructures – deux écoles, quatre jardins d'enfants, et toutes les installations sociales.

"Mon travail au lycée était mon espace sûr, un lieu de libération émotionnelle ; j'y passais la plupart de mon temps avec les enfants. Nous avions six classes modernes avec des ordinateurs ; les élèves pouvaient apprendre quatre langues, et nous participions constamment à des échanges internationaux. Dans notre école, nous avons formé des Ukrainiens indépendants et libres. Les Russes nous ont privés de la possibilité de donner aux enfants une éducation de qualité.

Il y a un cas malheureux que je ne peux pas passer sous silence non plus. La famille partait par le ‘couloir vert’, et un garçon de cinquième année de notre lycée a été abattu.

Lorsque je travaillais à Makariv et que notre école n'était pas endommagée, nous avions l'habitude de préparer de la nourriture à la cantine de l'école pour les forces armées. Nous préparions plusieurs plats au choix, de la nourriture ukrainienne traditionnelle afin que les soldats puissent ressentir notre amour et notre gratitude. C'était notre devoir.

Nous travaillons déjà avec les enseignants pour rétablir le processus éducatif. Nous voulons retourner à Makariv et reconstruire notre ville dès que possible. Nous discutons actuellement de ces plans entre nous, ainsi qu'avec le gouvernement et les investisseurs."


12 avril

À la guerre, tous les coups sont permis

Martha Belia

"À la guerre, tous les coups sont permis" - le slogan des animaux et des immoraux.

C'est un proverbe bien connu : "en amour comme à la guerre, tous les coups sont permis", mais est-ce bien le cas ?  Quels sont les moyens compris dans ce "tout" et jusqu'où peuvent-ils aller ? Recourrait-on à la violence, au chantage, à l'intimidation et au viol pour atteindre l'amour ? Ce sont aussi des moyens, mais c'est immoral et puni par la loi.

Et à la guerre ? Depuis des décennies, voire des siècles, la communauté mondiale crée un droit international qui réglemente et établit les règles de la guerre. Cependant, l'État agresseur russe semble guidé par le proverbe mentionné ci-dessus...

Aujourd'hui, c'est le 48ème jour de la guerre. Depuis le début, la Russie et les Russes ont commis un nombre effroyable de crimes. Nos enfants et petits-enfants se demanderont pourquoi le monde a permis à cette horde de violence et de mort de produire tous ces antagonistes.

Non, tous les coups ne sont pas permis. Les troupes russes ont recours à l'immoralité, à la méchanceté et à l'inhumanité pour tenter de conquérir l'Ukraine. La blitzkrieg a échoué lamentablement dès les premiers jours de la guerre et les soldats n'ont aucun avantage à terre ; c’est pourquoi cela fait donc plus d'un mois qu'ils ont transformé le ciel ukrainien en source de danger. Les villes et villages ukrainiens sont bombardés chaque jour. Ce sont les civils et les gens ordinaires qui souffrent le plus.

Les gens meurent d'éclats d'obus et de blessures. Des innocents meurent sous les décombres ou dans les sous-sols, de la faim ou des maladies provoquées par le jeûne.

Les Russes menacent d'utiliser des armes nucléaires et sont probablement prêts à utiliser des armes chimiques, s'ils ne l'ont pas déjà fait.

À la guerre, tous les coups ne sont pas permis, car il n'est alors plus question d'une guerre mais d'un génocide, d'une destruction totale. Et dans ce cas, l'agresseur perd sa forme humaine et devient une bête – bien que même les animaux ne soient pas capables d'une telle cruauté.

Les soldats russes ont prouvé depuis longtemps qu'ils ne pouvaient pas être considérés comme des êtres humains. Ils torturent les civils, tuent et violent les enfants sans même épargner les nourrissons. Ils volent même la nourriture des animaux dans les zoos.

Tout ceci n'est qu'une petite partie des crimes confirmés en Ukraine. Il est difficile de croire qu'une personne puisse faire cela, mais l'armée russe dirige des dizaines de milliers de bêtes.

Par conséquent, tous les coups ne sont PAS permis. Il doit toujours y avoir des limites.


10 avril

Les gens s'échappent, pas les animaux

Hanna Shypilova

La guerre en Ukraine possède de nombreuses caractéristiques du terrorisme. Les troupes russes bombardent les infrastructures civiles. Les hôpitaux, les orphelinats et les écoles sont de plus en plus souvent pris pour cible. Les animaux des zoos sont également en danger mais heureusement, des volontaires d'organisations internationales les évacuent.

La situation est différente pour les animaux domestiques. Près de 11 millions de personnes ont quitté leur lieu de vie depuis le début de la guerre. Lorsqu'elles s’en vont, elles n'emportent que le nécessaire et partent dès que possible, et n'ont souvent nulle part où aller. Les trains sont bondés et les bus n'acceptent généralement pas les animaux. Dans ces conditions, les civils ont rarement l'occasion d'emmener leur chien ou leur chat avec eux. Ils sont alors contraints de les laisser chez eux et de croiser les doigts.

La grand-mère de Sofia vit dans un village. Ses voisins se sont enfuis en Pologne et ne reviendront probablement jamais, même après la fin de la guerre. Ils avaient un chat et ont décidé de le laisser là. Il a vécu dehors pendant quelques jours sans s’éloigner de leur maison. Sofia dit que depuis qu'elle l'a nourri, celui-ci vit avec eux.

Ce chat a eu de la chance de rencontrer Sofia et de trouver un nouveau foyer. Malheureusement, il y a encore beaucoup d'animaux de compagnie enfermés dans des appartements ou des maisons et qui doivent se battre pour leur vie. Des bénévoles ont lancé une campagne d'information et cherchent de nouveaux propriétaires pour ces animaux, mais le problème reste global.


5 avril

Monde, entends la colère de l'Ukraine

Martha Belia

Lorsque votre cœur se brise de douleur, vous avez envie de crier. Aujourd'hui, le cœur de millions d'Ukrainiens est brisé et agonise face à la souffrance du peuple, à celle des civils qui ne verront jamais l'aube, à celle des enfants qui ne grandiront jamais.

Parfois, je pense que ça ne peut pas être pire et qu'un cœur brisé ne peut pas l’être à nouveau, mais c'est toujours possible. Il se brise à chaque fois que le monde refuse de nous entendre.

L'armée ukrainienne a récemment libéré la ville de Boutcha. Pas besoin d’expliquer pourquoi cette ville est si difficile à évoquer. Des événements terribles s'y sont déroulés, mais le monde continue de tolérer les crimes des Russes, dont chacun d'entre eux est coupable.

Le dimanche 3 avril, des rassemblements soutenant la Russie dans cette guerre ont eu lieu en Allemagne et en Grèce. Les rues de la capitale allemande étaient pleines de drapeaux d'un pays dont les citoyens torturent des Ukrainiens, violent des petites filles et tuent des mères devant leurs enfants. Les rues de Berlin étaient à nouveau pleines de drapeaux fascistes... Et pourquoi le monde tolère-t-il cela ? Pourquoi n'est-ce pas interdit ?

La valeur de la vie humaine ne concerne-t-elle pas le reste du monde ?

Monde, entends le cri d'un orphelin dont la mère a été tuée sous ses yeux !

Monde, entends les cris de ceux tués en toute impunité !

Monde, entends le cri d'une mère portant un enfant tué par les fascistes russes !

Monde, entends le chagrin d'un enfant qui ne reverra jamais son père !

Monde, entends les gémissements des gens qui sont torturés à mort !

Tout cela a-t-il encore une importance si vous n'êtes pas personnellement touchés ?

Je voudrais ajouter que nous, Ukrainiens, sommes très reconnaissants de l'aide de chacun. Nous la voyons et nous en sommes incroyablement reconnaissants. Cependant, des gens meurent toujours. Aidez-nous, lisez la vérité et ne soutenez pas ceux qui font et défendent le mal.


2 avril

En direct de la frontière ukraino-polonaise

Anna-Maria Valchuk

Cela ressemble à un endroit sûr, avec des volontaires, une assistance médicale, et presque aucune chance d'entendre une sirène d’alerte.

Je suis avec un grand groupe de personnes qui se dirigent vers Berlin, principalement des femmes et des enfants. 

Premier arrêt, Shehyni, un check-point à la frontière entre la Pologne et l’Ukraine. Le bus s'arrête, et deux volontaires montent à bord. L'un est ukrainien et l'autre vient du Kenya. Ils demandent à chanter pour nous et nous encouragent à applaudir. Une des deux chante une chanson à la gloire de Jésus et prie pour tous les Ukrainiens. Nous applaudissons, et ils nous offrent des bonbons et des petites Bibles. Je prend quelques bonbons et les remercie pour leur travail.

Deuxième arrêt, Medyka, après le poste-frontière polonais. On peut voir des panneaux "nourriture gratuite" et "World Central Kitchen". Cinq bénévoles nous demandent de venir manger de la soupe et de prendre une tasse de thé. J'accepte et je commence à discuter avec eux pour savoir pourquoi ils aident et la raison de leur présence ici. Une femme norvégienne, venue à la frontière polonaise pour verser de la soupe, déclare : “Je n'arrive pas à croire que cette guerre ait lieu, et je n'arrive pas non plus à croire tous les crimes de guerre, les comportements inhumains et les horreurs ; je voulais juste être là pour aider, comme tous les gens dans le monde le font à leur manière. Je voulais aussi que chaque Russe soit conscient de ce qui se passe”. 

Une autre volontaire, cette fois originaire des États-Unis, est plus concise : "Je n'ai jamais été membre de World Central Kitchen, je suis juste venue ici et j'étais prête à aider de quelque manière que ce soit, alors je les ai rejoints".

La gare centrale de Berlin est le dernier arrêt. J'ai rencontré Nyls, un bénévole, au cours du trajet en bus, et ensemble nous allons au centre bénévole prendre de l'eau et attendre mon prochain train dans un endroit chaud. Il est volontaire ici depuis le début de la guerre ; selon lui, il n'y avait pas d'aide ou de soutien du gouvernement au début, alors les gens de la ville ont rassemblé de l'argent et de la nourriture pour aider et coordonner tout cela par eux-mêmes.


1 avril

Ce n'est pas une guerre, c'est un génocide

Anna-Maria Valchuk

Un fil Twitter rédigé par Sergej Sumlenny (@sumlenny) :

- La Russie avait prévu de prendre facilement Kiev en trois jours, puis de faire capituler l'Ukraine ;

- Les unités de l'armée russe étaient suivies par des milliers d'agents de la police anti-émeute ;

- L'armée russe a acheté 45 000 sacs mortuaires et a apporté des crématoires mobiles ;

"Je suis certain qu'ils ont planifié des exécutions massives d'Ukrainiens. En septembre 2021, la Russie adoptait une norme technique nationale pour le creusement et l'entretien des fosses communes en temps de guerre. Elle est entrée en vigueur le 1er février 2022".

Selon les experts, les fosses communes prévues par cette nouvelle norme russe "ne sont envisageables que dans le cadre d'une guerre nucléaire ou d'une pandémie". Il semble que celles-ci aient également été prévues pour les Ukrainiens, puisque les Russes ont publié leur article officiel sur leur "victoire" le 26 février.

La norme prévoyait le creusement de fosses communes isolées pouvant contenir jusqu'à 1 000 corps chacune en 3 jours. Une équipe de 16 soldats était responsable de chaque fosse.

En résumé, il semble que la Russie ait planifié une victoire rapide sur l'armée ukrainienne, une occupation totale de l'Ukraine et un génocide, y compris des exécutions massives de leaders de la société civile ukrainienne, de politiciens, de leaders culturels, de religieux, etc. L'ampleur du génocide planifié est sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.


31 mars

Sans nouvelles de Marioupol

Kateryna Panasyuk

Nastia parle de sa famille coincée dans la ville assiégée de Marioupol. C’est une femme fascinante – elle sourit (même si c'est un sourire nerveux) et reste calme. Il est difficile pour moi, l’intervieweuse, d'en faire autant.

Je suis de Marioupol. Depuis trois ans, je vis à Lviv, où j'ai étudié à l'Ukrainian Catholic University (UCU). Avant ça, j'ai vécu à Marioupol pendant 15 ans ; après le collège, je suis partie à Donetsk. J’y ai étudié deux ans avant de devoir déménager à Kiev, puis à Lviv, à cause de la guerre. Mais aujourd’hui, elle m'a retrouvé.

Mes parents sont divorcés, donc il y a la famille de maman et celle de papa. Nous sommes tous de Marioupol.

Quand ma mère m'a appelée le 24 février, alors que tout le monde avait peur ici et ne savait quoi penser, j’ai compris que ça venait de commencer là-bas. Elle m'a juste dit “ça y est” – tout le monde paniquait, tous les magasins fermaient et personne n’avait le temps de simplement faire ses bagages.

Elle m’appelait une fois par jour. La dernière fois, c'était le 2 mars : la connexion était très mauvaise, mais je ne pouvais même pas imaginer qu'elle puisse disparaître. Elle m'a dit : “Nastia, ils brouillent la connexion”, mais je ne l'ai pas prise au sérieux. Si seulement j'avais su que c'était la dernière fois... Je m'en veux vraiment maintenant.

La famille de ma mère ne m'a plus contacté depuis longtemps. Je suis désespérée, je ne peux joindre personne... Je ne sais tout simplement pas ce qui se passe là-bas, s'ils sont vivants ou non. J'ai écrit à la Croix-Rouge ; ils m'ont répondu que c'était trop dangereux à Marioupol actuellement et qu'ils ne pouvaient pas y aller – je me suis dit “bon, très bien”.

Récemment, mon père m'a contacté et m'a dit qu'ils s'étaient échappés et qu'ils se trouvaient dans Portivs’ke, un village très proche de Marioupol, mais plus calme. J'ai une petite sœur, elle a 10 ans. Papa m’a appris qu'elle avait développé une intoxication alimentaire préoccupante : il n'y a pas d'eau, peu de nourriture –  ils se réunissent sous des porches et la font cuire sur des feux. Ils ont dû drainer l’eau des radiateurs et la boire pendant deux semaines. L'estomac de l'enfant a fini par lâcher. Mon père m’a dit : "Nous ne partirons pas. Je ne sais pas si elle va s'en sortir.

J'ai alors réalisé pour la première fois à quel point la situation était critique. Finalement, ils n'ont pas quitté Portivs’ke. Cela fait trois jours qu'il n'y a plus de connexion. 

Je ne sais rien d'eux non plus.


29 mars

"Les enfants"

Marta Belia

Un petit détail peut tout changer. Malheureusement, dans le cas de la guerre dans mon pays, de tels détails font mal.

Je vis dans l'ouest de l'Ukraine, à l'arrière, où c'est plutôt calme. Récemment, alors que je faisais du bénévolat, j'ai vu une voiture – et après cela, j'ai eu du mal à retenir mes larmes. L'inscription “enfants à bord” occupait un quart du pare-brise. Les plaques d'immatriculation n'étaient pas d’ici, elles venaient de l'est. Il s’agissait de personnes déplacées à l'intérieur du pays, et cette inscription était là dans l’espoir que les occupants russes auraient pitié et ne tireraient pas sur une voiture occupée par des enfants. Les soldats russes sont impitoyables et tirent sur les véhicules et bombardent des bâtiments entiers en contenant des centaines, comme à Marioupol. Cependant, les gens gardent toujours espoir.

Je suis très heureuse que ces personnes aient réussi à se rendre dans un endroit sûr. Mais cette petite inscription “enfants à bord”, que je suis sûre que des milliers d'Ukrainiens ont sur leur voiture, est un signe de la cruauté de ceux qui occupent le pays et tirent impitoyablement sur tout le monde. Cette inscription est à la fois un espoir et la plus grande des craintes. L'espoir qu'ils n'attaqueront pas et la peur de perdre ce qu'il y a de plus précieux.

Ce petit détail sur le pare-brise de cette voiture signifie beaucoup. Il fait mal parce qu'il montre ce que ces gens ont vécu, la peur qu’ils ont ressentie.


28 mars

Une pneumonie bienvenue

Khrystyna Dmytryshyn

"C'est terrible de dire que je suis heureuse que mon petit-fils ait une pneumonie. Mais j'ose le faire parce qu'il l'a eue dans un endroit paisible, où nous pouvons rapidement appeler une ambulance et obtenir de l'aide. Je ne sais pas ce qui se serait passé si nous étions restés chez nous", dit Mariya, qui a réussi à s'échapper de Kharkiv pour rejoindre un village de l'ouest de l'Ukraine.

Je ne voulais pas partir, mais je n'ai pas eu le choix après que deux missiles ont frappé un immeuble de 16 étages où se trouvait mon appartement. J'ai eu une heure pour m'habiller et emballer mes affaires les plus importantes et, avec mon fils, j'ai tout laissé derrière moi. Nous avons une maison à la campagne, et mon mari a décidé d'y rester. Une semaine après, notre fils l'a rejoint, car un vrai fils ne quitte pas son père, et un vrai père protège son fils et sa maison.

Ma fille et mon petit-fils sont enfin avec moi dans une région relativement sûre. Comme mon petit-fils a un système immunitaire faible et qu'il a déjà eu plusieurs pneumonies, j'avais peur qu'il tombe malade à Kharkiv. Là-bas, nous n'aurions pas pu acheter les médicaments nécessaires, ni le transporter à l'hôpital à cause du manque de carburant, et parce que les ambulances s'occupent des nombreux blessés au combat. Je remercie Dieu que nous ne soyons plus là-bas. Mais je ne doute pas que nous gagnerons bientôt la guerre et que nous rentrerons chez nous, et que les Russes paieront pour tout."


25 mars 

Ma génération

Kateryna Panasyuk

Que se passera-t-il après la guerre ? Les Ukrainiens ne se posent pas cette question, mais plutôt : que se passera-t-il après notre victoire ? Cela fait une si petite différence verbalement et pourtant un message si important se cache derrière ces mots. Les Ukrainiens n'abandonnent pas et ne cèdent pas, la lâcheté n'est pas une option ici. Oh, j'ai une montée d'adrénaline quand je dis ça, vous savez. Vraiment. 

Personnellement, je dirais qu'il n'y a pas plus d'une ou deux choses que j'aime plus que ma patrie ; cette terre, ce sol même, est vraiment ce que j'ai de plus cher. Un de mes collègues, Alex, de Kharkiv, a récemment déclaré : "Que dirai-je lorsque mes enfants, mes neveux, mes petits-enfants me poseront des questions sur la guerre et ma participation à celle-ci ? Dirai-je que c'était intéressant, mais que, d'une certaine manière, je ne l'ai pas vécue parce que j'ai passé la plupart du temps à écouter des conférences via Zoom et à travailler sur des délais ? Sérieusement ?!", c'est ce qu'il a pensé dans le cadre de notre conversation sur les études pendant la guerre. 

Cela m'a surpris, je ne pensais pas que tout le monde avait ces pensées, mais il s'avère que c'est le cas. Je préfère continuer à apprendre, mais la pensée des enfants... Chaque fois que j'ai envie d'abandonner, je me rappelle que ma génération doit être la dernière à souffrir de l'impérialisme russe. Nos enfants ne le feront pas, leurs enfants non plus. Ils vivront librement sur cette terre et ils l'aimeront profondément.


24 mars

Le grand-père de Daria et l’information

Hanna Shypilova

Daria est âgée de 19 ans. En 2014, elle et ses parents ont été contraints de quitter leur ville natale, Louhansk, à cause de l'invasion russe. Ils sont alors partis vivre à Kiev, tandis que ses grands-parents ont déménagé en Russie. Ce jour particulier les a séparés non seulement territorialement mais aussi mentalement et politiquement.

Le 24 février, la guerre est entrée dans la vie de Daria et de sa famille pour la deuxième fois. Son grand-père les a appelés le matin même, se demandant comment ils allaient.

Plus tard, nous avons entendu une forte explosion à côté de chez nous. Il y avait déjà quelques vidéos sur Internet et à ce moment-là, Kharkiv était déjà fortement bombardée. Nous avons envoyé une vidéo et une photo à mon grand-père et il a répondu que tout était faux. Il a utilisé toutes ces phrases qui se sont imposées à la télévision russe : notre président Zelensky est un drogué, nous nous bombardons nous-mêmes. Tout le reste n'est qu'absurdité pour lui.

Le grand-père de Daria a toujours soutenu la Russie. Il a même essayé de la convaincre d’étudier à Rostov, car la vie avec les “néo-nazis ukrainiens” est inacceptable pour lui.
Il ne manque pas un seul communiqué de presse, et il y en a un le matin, un l'après-midi et un le soir. Nous n'avons pas été capables de lui montrer la vérité et la réalité depuis 2014, et maintenant tout n'a fait qu'empirer. C’est insupportable, mais il est devenu une véritable victime de la propagande. Je respecte et j'aime toujours mes grands-parents, car ils sont ma famille. Mais pendant que mon grand-père regarde la propagande russe, il soutient tout ce qui se passe en ce moment dans mon pays, où des enfants, des femmes et d'autres civils sont tués.


21 mars

Bohdan, volontaire ukrainien à la frontière

Khrystyna Dmytryshyn

"Lorsque la Russie a commencé une invasion à grande échelle de l'Ukraine, j'ai consacré mon temps à aider les réfugiés ukrainiens au poste de contrôle de Krakovets. Là, plus de 2 000 personnes traversent la frontière chaque jour. Le travail le plus difficile, c'est quand il fait froid dehors. Vous devez informer tous les gens avec des enfants en bas âge qui font la queue qu'ils peuvent aller dans la tente où il fait chaud, ils peuvent boire du thé et bien manger", explique Bohdan, un jeune volontaire ukrainien.

"En tant que volontaires, nous portons toujours les petits enfants dans nos bras pour aider les parents. Ces enfants effrayés tremblent de froid. La nuit, nous les faisons dormir avec leurs parents dans notre base, où ils peuvent se réchauffer. Nous donnons également des vêtements aux réfugiés et les aidons s’ils cherchent un médecin. Il y a beaucoup de médecins polonais dont nous traduisons les propos.

Je me souviens très bien d'un homme qui a quitté le pays avec ses deux petites filles. Il faisait froid, mais il ne voulait pas rentrer au chaud dans notre tente. Cependant, il a fini par accepter plus tard. Il parlait doucement et gardait un visage de marbre. L'homme s'enfuyait de Kharkiv parce que l'armée russe avait détruit l'appartement où il vivait. Sa femme était morte d'un cancer il y a quelques années, ce qu’il devait prouver avec un document pour pouvoir passer la frontière. Je pense qu'il avait honte de partir, mais il le devait ; il est le seul parent de ses filles. Je pense qu'il reviendra quand nous aurons gagné".


20 mars

Les enfants de la guerre

Marta Belia

De temps en temps, le centre de volontariat local où je travaille organise des activités pour enfants. Habituellement, les enfants qui participent viennent de notre ville, mais aujourd’hui, il y en a beaucoup venus d’ailleurs, des enfants forcés de tout quitter à cause de l'agression russe. 

Ce sont les mêmes enfants, ils sont tout aussi enthousiastes à l'idée de dessiner et de gambader, mais on peut voir dans leurs yeux qu’ils ont déjà vu la guerre et ressenti ses conséquences. L’invasion les a touchés personnellement. Ils sont très joyeux et bavards, mais il y a comme une maturité dans leurs paroles. Ces enfants parlent calmement et pensivement de leurs proches : pères, grands-parents, frères et sœurs – ceux qui sont restés dans les points chauds, qui ont refusé de partir. Ils décrivent comment ils ont entendu les explosions et comment ils ont quitté leur ville. 

Je peux à peine retenir mes larmes en les écoutant, mais eux racontent leur histoire calmement. Ils sont encore si petits, mais beaucoup de choses leur sont arrivées, et ils les ont endurées avec courage. Je dois admettre que je pleure et que je stresse à cause de choses moins horribles : les sirènes au milieu de la nuit, les nouvelles horribles que je lis ; mais ces enfants sont calmes et équilibrés, bien qu'ils aient souffert beaucoup plus. C'est pourquoi ces enfants m'impressionnent. Je suis désolée que la guerre les ait obligés à grandir trop tôt, mais je suis stupéfaite par leur résilience. Et je veux vraiment que tous ceux qui leur ont volé leur enfance soient punis.


18 mars

Étudier en temps de guerre

Kateryna Panasyuk

C'est incroyablement difficile d'étudier maintenant, mais je suis heureuse de le faire. Il se trouve que ma famille et moi avons la chance d'avoir un ciel relativement calme et la chaleur de notre propre maison – pour l'instant. Chaque nuit, ma ville, Lviv, se réveille au son des sirènes. Chaque nuit, je suis tiré de la chaleur de mon lit par une horrible poussée d'adrénaline, je change de vêtements, j'enfile mes chaussettes les plus chaudes, j'attrape mon sac à dos et je descends huit étages pour passer jusqu'à quatre heures dans un abri antiatomique glacial. En dépit de tout cela, mon esprit a toujours soif de connaissances. Il l'a toujours été, mais maintenant il est aussi alimenté par la colère. Il est hors de question que je laisse la Russie m'empêcher de lire et d'apprendre. Il est hors de question que je laisse quiconque me rendre inutile ou moins intelligente. Je ne suis pas très forte physiquement, je ne sais pas bien tirer et je ne suis pas médecin. Mais le moment venu, je veux que chaque Russe paie le prix de ce qu'il a fait et que chaque Ukrainien vive dans le pays qu'il mérite. Si nous arrêtons d'apprendre maintenant, qui prendra la relève ?

Olexandra Besarab

Je comprends très bien pourquoi mon université annonce la reprise des cours, c'est absolument nécessaire.

Mais personnellement, je ne peux pas retourner à mes études. Je ne peux pas étudier, pas du tout. J'ai l'impression de perdre mon temps, parce que l'information n'arrive pas jusqu'à mon cerveau, parce que ma tête est pleine d'autres choses.

Nikita Vorobiov

Le format qui est maintenant pratiqué dans mon université fonctionne bien pour moi. Tous les cours magistraux sont enregistrés, et je peux donc toujours en regarder un quand cela me convient. Par exemple, un étudiant peut travailler la journée et étudier le soir. Au grand soulagement des étudiants, les délais ont aussi été élargis : certains devoirs ont été reportés ou complètement supprimés. Il n'y a pas trop de pression sur nous actuellement. Je vis à l'étranger, je n’ai pas à courir jusqu'à l'abri anti-bombe en cas de besoin. Mais nous verrons comment cela se passe la semaine prochaine, lorsque je rentrerai en Ukraine. Pour l'instant, je pense que nous ne pouvons tout simplement pas nous permettre d'arrêter d'étudier dans ces circonstances.

Roman Rozhankivskyi

Je ressens cette fatigue inépuisable. Mon esprit trouve du réconfort dans une surdité involontaire. J'entends des sons, mais je ne saisis pas leur essence. C'est comme si je m'endormais avec la voix du professeur. Et la sonnerie de l'appel Zoom me rend fou. Je n'ai pas la force de penser aux devoirs ou au programme. Il m'est difficile de me d’élaborer actuellement. Parfois, j’oublie les gens à cause de la sursaturation de stimuli. Et parfois, j’entends comme une alarme aérienne fantôme, comme si les bombes étaient sur le point d’arriver. J'entends des sons à haute fréquence et c’est si effrayant.


17 mars

Le génocide de Marioupol, ou l'histoire d'une lutte pour la vie

Khrystyna Dmytryshyn

Comme il n’y avait plus d'accès à l’eau potable en ville depuis plus d'une semaine, alors nous avons commencé à aller à la rivière pour recueillir de l'eau.  Un jour, alors que nous étions en chemin, les bombardements ont commencé. Nous avons eu de la chance, mais un obus a tué trois personnes qui se trouvaient plus haut sur la colline. Sur le chemin du retour, nous avons vu une foule de corps couverts de draps. Ils n'avaient pas pu échapper aux obus.”

C'est l'histoire de Julia, 30 ans, publiée par Hromadske.ua. Julia a vécu toute sa vie à Marioupol. Le 24 février, lorsque la Russie a lancé son offensive, les premiers obus ont été largués sur sa ville. Depuis le 2 mars, la population locale tâche de survivre sans contact avec l’extérieur et sans accès à l'eau, au gaz et à l'électricité. Ce n'est qu'au vingtième jour de la guerre que Julia a pu saisir une opportunité de quitter Marioupol.

"Je suis partie avec mon petit ami et sa sœur. Nous avons coopéré avec plusieurs autres jeunes couples avec des enfants. Nous avions entendu dire que la route était dangereuse, qu'une partie était minée, mais qu'on pouvait voir laquelle. On ne s’est pas demandé si c’était effrayant ou non : chaque jour, on se couchait sans savoir si on se réveillerait le lendemain. Et quand vous savez que des gens ont pu partir, vous avez de l'espoir."

Aujourd'hui, Julia est à Zaporizhzhya, mais plus de 300 000 personnes à Marioupol ont toujours besoin de nourriture, d'eau et de médicaments, alors que l'armée russe bloque l'accès à chaque cargaison humanitaire.


16 mars

A Mykolaiv, Nikol cherche désespérement de l’aide

Khrystyna Dmytryshyn

Aujourd'hui, j'aimerais partager cet extrait que j'ai traduit d'un article que j'ai lu sur Hromadske.ua, un média indépendant, car je pense qu'il en dit long sur la situation à Mykolaiv. 

"Bonjour, je m'appelle Nikol, et j'ai besoin de vêtements chauds", nous dit une jeune fille venue dans notre centre de bénévoles, situé dans une petite ville de l'ouest de l'Ukraine, dans la région de Lviv. Nous ouvrons des cartons devant elle, montrant toutes sortes de pulls et de manteaux, mais elle n'en tient pas compte, choisit à la place une couverture pour elle et une autre pour un frère ou une sœur de 2 ans. "Vous vous rendez compte qu'une petite partie d'un missile balistique est tombée juste à côté de mon immeuble à Kiev ?", dit-elle avec crainte et excitation à la fois.

A peine après avoir donné à Nikol deux paquets de vêtements chauds, sa mère arrive au centre. Lorsque nous donnons à celle-ci ses soins capillaires, ses mains commencent à trembler terriblement et elle fond en larmes. "Je n'ai pas lavé mes cheveux depuis presque deux semaines. Je ne me souviens même pas du shampooing que j'achetais. J'ai peur de prendre un bain et de laisser mes enfants seuls. Je crois entendre constamment des bombardements. Les avez-vous entendus ce soir ?"

C'est le deuxième jour que la famille passe à Mykolaiv. Cette nuit-là, les missiles russes pleuvent sur la région pour la première fois. Je suis arrivé à la conclusion que voir des réfugiés est la chose la plus compliquée et la plus douloureuse sur le plan émotionnel à laquelle vous pouvez être confronté dans votre vie. Surtout lorsque ces réfugiés fuient la guerre qui se déroule dans votre pays, et que vous ne pouvez même pas leur assurer que la région où ils sont arrivés est un endroit sûr.


15 mars

Deux témoignages de Lviv

Anna Valchuk

Aujourd'hui, j’aimerais partager les témoignages de deux filles que j'ai rencontrées plus tôt à Lviv.

Nadila, 21 ans : “J'ai commencé à faire du bénévolat à la gare de Lviv dès les premiers jours de la guerre. Au début, j'étais très vexée par n’importe quel reproche, voix élevée, poussée ou juron. Les premiers jours à la gare étaient chaotiques : tant dans la tête des gens que sur les quais. Ce désordre a exacerbé toutes mes émotions. J'ai éclaté en sanglots à de nombreuses reprises pour diverses raisons : parce que quelqu'un part et quelqu'un doit rester ; parce qu’il y a ceux qui se précipitent, et ceux qui attendent humblement pendant des heures que leur tour arrive ; parce que certains sont sincèrement reconnaissants, et d'autres pensent que ce qui leur est donné n'est pas suffisant.

Ce qui m'a le plus frappé, c'est le court échange que j’ai eu avec une jeune fille de mon âge qui s’en allait, au cinquième jour de la guerre.

Elle est venue à moi, m'a serré la main et m'a dit avec un sourire amical : ‘Merci pour ce que vous faites.’"

J'ai pleuré.”


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Diana, 19 ans : “Depuis que mon université est devenue un refuge pour les familles d'étudiants venant de villes où ont lieu les affrontements, c'est la première fois que je fais la connaissance d’autant de réfugiés. De plus, beaucoup d'amis font du bénévolat à différents endroits, y compris dans des centres d’aide aux réfugiés.

Beaucoup d'entre eux rejoignent la communauté de bénévoles de l'université – et c'est formidable !

Après tout, cela permet d'être utile, même après avoir repris les études et le travail. Les gens sont relativement calmes, sensés et heureux de parler. Les enfants sont surtout joyeux et énergiques.

À mon avis, Lviv accueille les gens des autres régions avec beaucoup de dignité. Les habitants ouvrent de nombreux lieux d'hébergement de leur propre initiative, même dans des gymnases, des studios, etc. Et beaucoup de personnes que je connais personnellement offrent un abri dans leur maison. Ceux qui ont une voiture aident régulièrement les gens à se rendre de la gare à la frontière.


14 mars
Kateryna Panasyuk

Désolée de ne pas avoir envoyé de textes hier. J'en enverrai plus aujourd'hui. Notre région a subi une frappe aérienne pour la première fois. Nous allons bien, mais il est quelque peu difficile de respecter mon programme de travail avec plus de 4 heures passées dans un abri anti-bombes. Encore une fois, désolée pour le retard.


11 mars 

Vendredi, 4h43 du matin

Kateryna Panasyuk

Nous sommes le vendredi 11 mars, 4h43 du matin. J’ai été réveillée par le hurlement des sirènes. Je n’ai pas paniqué au tout début de la guerre – je sentais seulement un picotement discret et énervant dans mon cou et mon dos. Honnêtement, les sirènes m'ont étonné au début, mais plus maintenant. 

Ça fait quatre jours que Lviv n'a rien entendu. Notez que ça ne veut absolument pas dire que nous nous sentons plus détendus – nous attendons, suspicieusement. Je ne peux pas me mettre à la place d’autres personnes, mais, de mon côté, je remplis ma tête avec le travail et échafaude des plans pour me protéger contre les pensées désordonnées.

Hier soir, j'étais de garde au centre humanitaire et j'ai aidé deux militaires à trouver l'équipement et les vêtements nécessaires, des personnes si courageuses que je ne reverrai peut-être jamais. Ils m'ont remercié et sont partis à leur poste. Un silence s’est installé, parfois perturbé par le bourdonnement du système de chauffage. Je suis en sécurité ici et je me sens coupable. Mes amis, ma famille et les personnes chères à mon cœur ont été contraints à fuir leurs foyers. J’accepterais sans hésiter que nous échangions nos corps, qu’ils puissent être dans ma situation à ne pas faire assez, à pouvoir bien dormir, et que ce soit moi, la personne à souffrir à leur place. 

Si seulement on pouvait prendre la douleur des autres pour soi. J'espère vraiment que vous, qui que vous soyez, n'ayez jamais à vous sentir inutiles à ce point – bien terriblement, atrocement en sécurité, loin de vos proches.


10 mars

Les maternités et infirmeries comme cibles militaires

Alina Voronina, Vira Saliieva

Alors que les Russes prétendent qu’ils ne visent que des cibles militaires, de plus en plus de civils ukrainiens, dont des femmes et des enfants, souffrent chaque jour de leurs bombardements.

 La maternité et l'hôpital pour enfants de Marioupol ont été touchés le 9 mars. Au moins 3 personnes sont mortes, dont un enfant. Il y a 17 blessés, et les fouilles ne sont pas terminées.

"En quoi ces hôpitaux ont-ils menacé la Fédération de Russie ? Y trouvait-on des enfants de Stepan Bandera ? Des femmes enceintes tiraient-elles sur Rostov-sur-le-Don ? Est-ce que quelqu'un dans la maternité a humilié des russophones ? Qu'est-ce que c'était ? La dénazification de l'hôpital ? C'est au-delà de l'atrocité", a déclaré le président Zelensky dans son dernier discours. Il a également affirmé que la bombe ayant atteint la maternité de Marioupol est l'acte majeur du génocide des Ukrainiens.

Des personnes innocentes dans tout le pays, comme nous, simples étudiantes, sont terrifiées par l'impitoyabilité de cette attaque. "Ils ont franchi toutes les limites il y a longtemps, et je pensais qu'aucune de leurs actions ne pouvait plus m'impressionner. J'avais tort.", déclare Oleksandra Besarab. Elle est étudiante en deuxième année de politique à l'Ukrainian Catholic University (UCU), et Marioupol occupe une place particulière dans son cœur ; elle y a participé au cours de l'Ukrainian Leadership Academy (ULA). "Une maternité. Je n'arrive même pas à m'y faire. Quand je faisais défiler les photos et les vidéos, je ne ressentais rien, un vide, une douleur qui ne pouvait être exprimée par des mots. Nous ne pardonnerons pas. Pour chaque enfant qui n'a pas eu la chance de naître et d'explorer la vie. Pour chaque mère qui a perdu son cadeau le plus précieux. Rien sur Terre ne pourrait justifier cela."


7 mars 2022

Nous sommes l'Ukraine, et nous aimons la liberté : non à l'évacuation vers la Russie

Hanna Shypilova, Khrystyna Dmytryshyn

Le troisième cycle de négociations entre les représentants ukrainiens et russes a eu lieu le 7 mars. Le principal sujet de discussion était l'organisation de couloirs humanitaires pour évacuer les citoyens ukrainiens vers des zones plus sûres de l'Ukraine. Auparavant, l'armée russe bloquait les tentatives du gouvernement ukrainien de sauver sa population civile en ouvrant le feu sur les bus, en minant les routes et en faisant sauter les voies ferrées. Aujourd'hui, pour la première fois depuis des décennies, une enfant est morte de déshydratation, piégée sous les ruines de la maison où elle vivait autrefois heureuse. C’est arrivé dans la ville de Marioupol, qui n'a plus d'eau, d'électricité ou de chauffage depuis des jours.

L'urgence de la question des couloirs humanitaires a été renforcée par une proposition reçue par e-mail à 00h30 de la part du gouvernement russe. Iryna Vereschuk a déclaré dans son briefing que l'armée russe est prête à cesser ses attaques, uniquement en cas d'évacuation des civils vers le territoire de la Russie et de la Biélorussie. La ministre a souligné le caractère inadmissible de cette proposition et le danger présenté aux habitants évacués. Qui plus est, les Ukrainiens eux-mêmes sont prêts à montrer leur loyauté envers l'Ukraine et à braver les tirs russes. À Kherson, par exemple, les gens se sont rassemblés, drapeaux ukrainiens au poing, pour protester contre l'aide humanitaire des Russes tout en faisant face à des tirs.

Par conséquent, ni le gouvernement ukrainien ni les citoyens n'accepteront jamais la proposition d'évacuation des civils vers le territoire de la Russie. Au contraire, nous insisterons pour assurer la sécurité de tous les citoyens dans les zones les plus dangereuses.


25 février

L'invasion commence

Varvara Shevtsova

24 février, Kiev. Mes parents sont réveillés au son des explosions, des tirs et des avions. On n'arrive pas à y croire.

"Ma fille, réveille-toi, s'il te plaît". Quand j'entends ma mère dire ça, mon coeur s’arrête

"La guerre ? Déjà ?"

Les 14 heures suivantes, nous sommes perdus, anxieux et terrifiés. Nous devons nous dire au revoir, car mon père a choisi de rester se battre.

Nous passons la nuit suivante dans un abri : la station de métro Heroiv Dnipra, qui nous protège des tirs et des bombardements. Nous avons posé notre couverture et un tapis de yoga au sol, discuté avec nos voisins et mangé quelques biscuits. La circulation des métros a été arrêtée, les personnes âgées et les personnes avec des enfants en bas âge ont été invitées à se réchauffer dans des wagons. Nous essayons de dormir sur la plate-forme froide dans nos vêtements d'hiver, nos têtes sur des sacs à dos. Les enfants pleurent.

Le sommeil ne dure pas, non pas à cause des conditions, d'une file d'attente de deux heures et demie, ou des voisins qui bavardent, mais à cause du sentiment commun de danger et de l’impression partagée de ne pas savoir si c'est bien la réalité ou seulement un cauchemar.

La peur et la panique sont apparues, puis elles se sont transformées en mains tremblantes, en manque d'appétit, en nausées, suivies par l'incertitude, la peur de perdre ses proches, le désir de survivre, le sentiment de perdre le contrôle. Je ne souhaite une expérience aussi épouvantable à personne, sinon à Poutine.

J'aime mon pays. Ici, les gens font leur vie, créent des familles, élèvent des enfants… Désormais, tout est incertain, puisque les ambitions de Poutine sont apparemment assez vastes pour déclencher une guerre. Les enfants dans les terrains de jeu ne sont pas des nazis. Les maisons ne sont pas des cibles militaires. Mais les troupes de Poutine s'en moquent.

J'aimerais ne pas avoir à me sentir plus en sécurité dans un abri que dans mon propre lit, où j'entends les bruits de la guerre. Je ne pardonnerai jamais à la Russie de nous avoir fait ça.


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